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Station thermale de Saint-Christau
France > Nouvelle-Aquitaine > Pyrénées-Atlantiques > Lurbe-Saint-Christau
Historique
Comme pour la plupart des sites d’eaux curatives, les propriétés des sources de Saint-Christau sont connues de façon immémoriale. La découverte de mobilier archéologique en 1897 atteste de la fréquentation de la source des Arceaux depuis la protohistoire et l'antiquité gallo-romaine.
Au Moyen Âge, le site du pied des monts Binet et Turon-Vulpis est occupé de manière pérenne à la suite de la fondation au début du 12e siècle, par Gaston IV de Béarn, d'un hôpital-prieuré, puis commanderie, sur la route de pèlerinage entre Jaca en Aragon et Oloron. Quant à la source, la tradition voudrait qu'elle ait été redécouverte au 13e siècle par un "cagot" installé dans une cabane à proximité.
La commanderie de Saint-Christau, appelée hôpital du Bager, demeure en possession du monastère de Sainte-Christine du Somport jusqu’en 1532, date à laquelle la communauté religieuse commence à décliner et où Jean d’Arbésio, vraisemblablement originaire de la communauté béarnaise d’Arbus, s’empare du domaine par la force. Néanmoins son statut de propriétaire et de commandeur de Saint-Christau est officiellement reconnu en 1538 par Jacques de Foix, évêque de Lescar et lieutenant général du roi Henri II d'Albret.
Depuis lors, les terres de Saint-Christau sont possédées et exploitées par des propriétaires privés, malgré l’intérêt général de leurs sources. Jean de Bidou, descendant des Arbésio, vend le domaine en 1633 à Jean de Bordères qui s’en sépare dès 1634 au profit de Simon de Lassalle, seigneur de Gurmençon. Ce dernier est à l’origine de l’exploitation commerciale de la source dite des Fièvres (du Prieuré), en installant son frère en tant que métayer de la commanderie qui, le premier, accueillit des étrangers pour leur faire profiter des eaux moyennant finance soit en leur prodiguant des bains soit en puisant à la fontaine. La dimension économique de l’exploitation des eaux et l’utilisation des chemins ruraux suscitèrent en effet rapidement des conflits opposant les propriétaires et la population autochtone qui revendiquait son droit de possession puisque les sources jaillissent au pied du Mont Turon-Vuspis situé sur le territoire de Lurbe. Les deux partis s'opposèrent dans diverses procédures judiciaires jusqu'en 1768, moment de la ratification par le Parlement de Navarre d'une convention en 1763.
Le domaine est racheté à cette date par Roch de Bousquet qui tente d'en améliorer les installations balnéaires et les logements en 1780, mais sa dynamique est interrompue par la Révolution de 1789 qui le contraint à l'exil. Son fils Charles de Bousquet revend la propriété entre 1831 et 1833 à Pierre Antoine Joseph de Bois-Juzan qui y commande des améliorations majeures et la construction de plusieurs hôtels entre 1837 et son décès en 1841. Cinq années de procédure judiciaire s'ensuivent entre ses cohéritiers, à l'issue desquelles le domaine thermal est vendu à la comtesse veuve de Barraute d'Armendaritz en 1846. Avec son fils Jean Armand, le domaine continue d'être considérablement modernisé et promu au niveau national dans le contexte du succès de la villégiature thermale. Ils effectuent d'importants travaux entre 1849 et 1850.
A la suite de plusieurs successions, la propriété passe entre les mains de la famille Presle du Plessis à la fin du 19e siècle. Le domaine thermal est réquisitionné durant la Grande Guerre en tant qu'hôpital complémentaire, puis au cours de la Guerre civile espagnole pour accueillir les réfugiés basques entre 1937 et 1940, puis par l'armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Chacune de ses périodes occasionne de nombreux travaux, notamment conduits successivement par Jules Noutary puis Fernand Noutary.
Après la Seconde Guerre mondiale, les cohéritiers d'Ozenay vendent leurs parts de la propriété à la Société Thermale de Saint-Christau en 1951, laquelle, confrontée aux difficultés de gestion et d'exploitation de ce patrimoine, la place en location-gérance en 1964 au profit de la Société Thermale de Molitg-les-Bains, fondée par Adrien Barthélémy. Ce dernier crée à la même époque la Compagnie Française du Thermalisme, fédérant son empire thermal, qui rachète finalement le domaine de Saint-Christau et deviendra la Chaîne Thermale du Soleil. Suite à une exploitation relevant du thermalisme social au cours des Trente Glorieuses, l'activité d'embouteillage est arrêtée en 1990 tandis que l'établissement thermal de la Rotonde, le seul subsistant, est fermé en 1999. Le domaine poursuit de nos jours son activité hôtelière.
Détail de l'historique
Périodes |
Secondaire : Age du fer Secondaire : Bas-Empire Principale : 12e siècle Principale : 16e siècle Secondaire : 17e siècle Principale : 18e siècle Principale : 19e siècle Principale : 20e siècle |
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Description
La station de Saint-Christau prend place au cœur d’un environnement rural et vallonné entouré par les monts Binet (au sud) et Turon-Vulpis (à l’ouest). La majeure partie du territoire est plane et délimitée au nord et à l’est par le cours sinueux de l’Ourtau. Le domaine se développe et se structure progressivement et assez régulièrement au rythme des générations de propriétaires qui marquent de leur empreinte l’organisation et la physionomie de l’agglomération.
A la différence de nombreuses stations thermales, notamment celles de la Route Thermale de Napoléon III, Saint-Christau n’est pas une ville mais un domaine privé, qui prend place au sein d’un environnement rural composé de collines, de forêts et de cours d’eau. Le domaine est non seulement traversé par l’Ourtau qui délimite son extrémité orientale mais aussi par de nombreux ruisseaux, tel celui au-dessus duquel est implanté le cabinet médical des Bains de la Rotonde. Les édifices sont établis autour d’un parc paysager qui constitue véritablement le cœur du domaine, vers lequel tous les regards, les sentiers et les équipements convergent. Les proportions restreintes, le faible nombre de constructions et cette prédominance du paysage offrent une atmosphère singulièrement paisible qui fait l’originalité de Saint-Christau. Ici l’intégration de l’espace thermal correspond en somme au modèle de la station éloignée de l'habitat villageois, que constitue le bourg de Lurbe.
La station comporte non seulement des établissements dédiés à son activité et sa ressource première thérapeutique – les Bains Vieux, Bains de la Rotonde, les deux buvettes détruites, le cabinet médical -, mais aussi des hébergements collectifs installés dans plusieurs bâtiments – Bains Vieux, hôtel du Mogol, hôtel de la Poste, hôtel du Grand Turc (du Parc), le pavillon Bénard -, des établissements de restauration – notamment au rez-de-chaussée de l’hôtel du Mogol, le restaurant des sources -, ainsi que des hébergements à vocation individuelle appartenant à la typologie des villas de villégiature locative – les trois chalets. A cela, il faut ajouter les lieux de loisirs et de divertissements, en l’occurrence le parc et le casino, sans oublier le lieu de culte, à savoir la chapelle.
En ce qui concerne le style, Saint-Christau se distingue de bon nombre de stations influencées par l’architecture officielle néoclassique au début du 19e siècle, sans doute de par son statut privé qui laisse au propriétaire le loisir et la liberté d’opter pour le parti esthétique qui lui convient sans autre forme de contrainte administrative ou formelle. Les édifices les plus anciens (Bains vieux, hôtel de la Poste, hôtel du Mogol, pavillon du docteur Bénard) relèvent ainsi généralement de l’architecture vernaculaire béarnaise, domestique et agricole (commanderie, moulin de la cascade, magasins d’embouteillage). Le mode constructif et les matériaux associant moellons, enduit à la chaux et couvertures en ardoises pyrénéennes, illustre ce recours aux savoir-faire locaux. L’hôtel du Grand Turc (du Parc) se distingue non par son style mais par ses proportions généreuses au regard des édifices voisins qui bénéficient pour autant d’une importante capacité d’accueil. Ces constructions se caractérisent en outre par leurs toitures à croupes ou demi-croupes relativement hautes, mais aussi par la présence fréquente de galeries latérales au premier étage qui, aujourd’hui, ont pour la plupart disparu.
Les partis-pris sont sensiblement différents à compter du Second Empire, ce qui s’explique également par l’influence de la vogue de l’éclectisme, particulièrement répandue dans les grands centres urbains et les stations de villégiature balnéaires et thermales. Ainsi le cabinet médical originel, la buvette sulfureuse, le pavillon des Cinq Canettes, le restaurant des Sources, le casino primitif, le corps de logis de la commanderie ainsi que les trois chalets locatifs puisent manifestement leur inspiration dans les chalets helvétiques en vogue dans l’ensemble des stations thermales, comme l’illustrent leurs façades asymétriques, leurs jeux de toitures, les avant-corps et les matériaux, mêlant le bois et la brique dans des murs de parement aux complexes compositions géométriques. Ces formes confèrent aux édifices une forte dimension pittoresque.
D’autre part, la chapelle conserve quelques éléments de mobilier et de décor donnant une idée de ce que fut l'aspect originel de ce lieu de culte. Si la chapelle primitive, dont l’implantation se trouve à proximité, adoptait le style néogothique, le nouvel édifice de culte est globalement reconstruit selon un parti plus dépouillé et habituel de l’architecture diocésaine rurale du Béarn. Comme la chapelle, la plupart des bâtiments portent désormais l’empreinte des remaniements de la seconde moitié du 20e siècle, tels que les extensions des hôtels du Mogol et de la Poste, les rénovations intérieures des trois chalets, les modifications des Bains de la Rotonde avec la disparition du pavillon néo-mauresque, et celles du cabinet médical ou encore du casino.
Détail de la description
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Toits |
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Informations complémentaires
Station thermale de Saint-Christau à Lurbe. Synthèse de l’étude du patrimoine bâti, mobilier et paysager
Située à l’entrée de la vallée d’Aspe, à quelques kilomètres d’Oloron-Sainte-Marie, la station thermale de Saint-Christau appartient à la catégorie des établissements de bains dits isolés, ce qui ne l’a pas empêché de rivaliser avec des villes d’eaux plus prestigieuses comme Eaux-Bonnes et Eaux-Chaudes en vallée d’Ossau au 19e siècle, en intégrant même durant un temps la prestigieuse Route thermale impulsée par Napoléon III pour relier les stations pyrénéennes jusqu’à Bagnères-de-Luchon. Bien que Saint-Christau ne se soit pas déployé en agglomération urbaine, son organisation paysagère prépondérante et son patrimoine bâti représentent un intérêt substantiel pour l’histoire des stations thermales, ce que viennent corroborer les diverses sources archivistiques et documentaires mises au jour.
Cette étude s’appuie en effet sur l’analyse morphologique du bâti et du paysage de cette station, à la capacité d’accueil inversement proportionnelle à ses petites dimensions. Cette analyse s’appuie sur les fonds conservés aux archives départementales des Pyrénées-Atlantiques (actes notariés, tribunal d’instance d’Oloron, dépôt communal de Lurbe-Saint-Christau, fonds Noutary), les archives municipales de Lurbe-Saint-Christau, les archives départementales de Gironde (fonds de la Conservation Régionale des Monuments Historiques concernant les fouilles archéologiques), mais aussi ceux de la Bibliothèque municipale de Toulouse (notamment les fonds pyrénéistes), de la Médiathèque intercommunale de Pau-Pyrénées, de la Médiathèque d’Oloron-Sainte-Marie et de la Bibliothèque nationale de France. A cela s’ajoutent les fonds privés (notamment de cartes postales) ainsi que les archives du ministère des Armées, concernant la partie spécifique sur l’héritier de Saint-Christau, Armand Presle du Plessis, mort pour la patrie durant la Première Guerre mondiale, sans oublier le fonds de comptabilité de l’établissement thermal s’étendant de 1951 à 1970 conservé aux archives départementales des Pyrénées-Atlantiques. L’ensemble de ces documents représente près de 3000 pièces manuscrites et iconographiques, auxquels il faut ajouter les publications anciennes (récits de voyageurs, guides touristiques, analyses hydrologiques et médicales, entre autres), la presse locale et quelques travaux d’érudits.
La confrontation de ces sources textuelles et iconographiques avec l’étude matérielle du bâti et des aménagements paysagers permet de retracer l’histoire millénaire de Saint-Christau qui, l’a-t-on découvert tardivement, débute au moins durant l’antiquité romaine, se déploie originalement à l’intérieur d’un parc thermal privé au 19e siècle et finit par conter les dramatiques conflits militaires du 20e siècle et les mutations du thermalisme et de la médecine d’après-guerre. C’est à une véritable micro-histoire du Béarn, voire de l’Europe, qu’invitent la (re)découverte des sources de Saint-Christau, l’étude et l’évolution de son patrimoine bâti et paysager.
Saint-Christau à travers les âges : une histoire millénaire
Des origines antiques avérées mais encore nébuleuses
Comme pour la plupart des sites d’eaux curatives, les propriétés des sources de Saint-Christau sont connues de façon immémoriale. La découverte de mobilier archéologique à l’occasion de travaux de captage en 1897 atteste de la fréquentation de la source des Arceaux depuis la protohistoire, avec la découverte majeure de monnaies du Bas-Empire et d’un buste sculpté par un artisan régional du 1er siècle avant notre ère. Mais la connaissance du site pourrait néanmoins être antérieure, comme le suggèrent les fibules datant du premier âge du Fer mises au jour au même endroit et au même moment. Le buste, taillé au début du premier siècle avant notre ère, et les monnaies résultent vraisemblablement d’un culte archaïque rendu à une divinité païenne bienfaitrice de la source, à laquelle des pièces étaient déposées en offrandes afin de s’attirer ses bonnes grâces et de favoriser ses chances de guérison; une coutume qui s’est d’ailleurs perpétuée jusqu’à nos jours dans de nombreuses sources et fontaines à travers le monde. Ces éléments archéologiques ne sont cependant étayés par aucun vestige architectural ou témoignage épigraphique qui pourraient conforter l’existence d’un culte précis et de pratiques médicales concrètes. Selon Raoul Marque, historien de Saint-Christau, Pline l’Ancien, en évoquant les eaux chaudes et froides jaillissant à l’ouest des Pyrénées, avait probablement connaissance de ces sources locales très abondantes.
Toujours est-il que, peut-être influencées par la civilisation romaine, dont la voie reliant Bordeaux et Saragosse par Oloron était toute proche, les populations anciennes de la vallée d’Aspe ont depuis longtemps profité des vertus dermatologiques des eaux de la principale source de Saint-Christau, qui, cependant, semble tomber dans l’oubli jusqu’au bas Moyen Âge.
L’illustre fondation de Saint-Christau au temps de la vicomté de Béarn et du royaume d’Aragon
La source est, semble-t-il, redécouverte au 13e siècle sur fond de retour de croisades et de légendes locales. Cette renaissance est attribuée à un cagot installé dans une cabane à proximité qui constata une nette amélioration de ses symptômes en utilisant ces eaux et y observa le même phénomène bénéfique sur son bétail. C’est en raison de ses vertus dermatologiques que la résurgence est alors nommée source "des ladres" - appellation commune pour des eaux soignant les affections de la peau - ou "des dartres". Elle attire alors une fréquentation régulière de cagots, de lépreux et de reclus de la société, ce qui explique, malgré son incontestable efficacité, la réprobation dont elle est victime et sa notoriété confidentielle jusqu’au 18e siècle.
Cette période correspond également à l’expansion vers le nord du monastère de Sainte-Christine du Somport, installé par Gaston IV de Béarn dit le Croisé au 12e siècle sur le port éponyme pour contrôler les passages d’un versant à l’autre des Pyrénées au niveau de la vallée d’Aspe. A cette époque, le souverain fait donation à l’influente communauté religieuse d’un réseau de seigneuries dotées d’hôpitaux qu’il avait fondées, parmi lesquelles celle établie au pied du mont Binet et du mont Turon-Vuspis, dont le prieuré (maison principale) et la chapelle originelles se situaient probablement près de la source des Dartres tandis que l’annexe (commanderie) était implantée à quelques encablures. C’est du moins ce que laisse supposer la toponymie évoquant la source du Prieuré près de la source des Arceaux, ainsi que la subsistance du bâtiment de la commanderie. Cet ancien fief et le domaine afférent, initialement connus comme hôpital du Bager selon le toponyme de l’époque, endossent par conséquent le nom de Saint-Christau, en référence évidente à son influente nouvelle propriétaire. Il adopte depuis lors les armoiries caractéristiques de celle-ci composées d’un pigeon ramier blanc portant une croix de fer en son bec, qui s‘inspire manifestement de la légende fondatrice du monastère du Sainte-Christine du Somport où un volatile désigna l’emplacement du prieuré en y déposant une croix chrétienne. Outre les cagots, le site de Saint-Christau, notamment son hôpital tenant lieu d’hôtellerie, accueille également, au moins à l’époque, les voyageurs et les pèlerins de Compostelle avant le difficile passage des Pyrénées par le Somport.
Par ailleurs, l’épouse de Gaston le Croisé, Talèse d’Aragon, avait probablement connaissance des sources de Saint-Christau et y avait peut-être même pris les eaux, car elle était connue pour son goût des bains et pour avoir fréquenté les sites plus renommés des Eaux-Chaudes et des Eaux-Bonnes dans la vallée d’Ossau voisine. Entre autres anecdotes, Raoul Marque raconte que, un siècle plus tard, en 1289, Mathe d’Armagnac et Guillema de Moncade, deux filles de Gaston VII Moncade – lui-même à l’origine de l’union du comté de Foix et de la vicomté de Béarn – prêtèrent serment en l’église du prieuré de Saint-Christau, par écrit et sur l’Évangile, s’engageant à respecter les dispositions testamentaires de leur père, qui proclama leur aînée Marguerite comme seule héritière de ses biens.
La commanderie de Saint-Christau, ou hôpital du Bager, demeura propriété du monastère de Sainte-Christine du Somport jusqu’en 1532, date à laquelle la communauté religieuse commence à décliner et où Jean d’Arbésio – ou d’Arbusio –, vraisemblablement originaire de la communauté béarnaise d’Arbus, s’empare du domaine par la force. Néanmoins son statut de propriétaire et de commandeur de Saint-Christau est officiellement reconnu et proclamé en 1538 par Jacques de Foix, évêque de Lescar et lieutenant général du roi, auquel Henri II d’Albret avait commandé l’année précédente un dénombrement des seigneuries de Béarn afin de poser un cadre règlementaire et de recenser le montant des impôts censitaires versés par leurs vassaux.
L’exploitation commerciale des sources des "Dartres" et des "Fièvres" jusqu’à la Révolution : conflits d’usage et procès fleuve
Depuis lors, les terres de Saint-Christau demeurèrent toujours propriété privée malgré l’intérêt général de leurs sources. Jean de Bidou, descendant des Arbésio, vendit les terres en 1633 à Jean de Bordères qui s’en sépara dès 1634 au profit de Simon de Lassalle, seigneur de Gurmençon et jurat de Monein. Ce dernier est à l’origine de l’exploitation commerciale de la source dite des Fièvres (du Prieuré) en installant son frère naturel en tant que métayer de la commanderie. Cette initiative lui valut de la part de la communauté de Lurbe d’incessantes procédures judiciaires qui se transmirent avec l’héritage familial durant près de cent ans. C’est effectivement son frère qui, le premier, accueillit des étrangers pour leur faire profiter des eaux moyennant finance soit en leur prodiguant des bains soit en puisant à la fontaine. Un premier jugement de vérification fut rendu le 19 juin 1675 en faveur d’Arnaud de Lassalle Gurmençon – fils de Simon de Lassalle - reconnaissant le dénombrement de ses terres, sources incluses, à Saint-Christau.
La dimension économique de l’exploitation des eaux et l’utilisation des voies agricoles suscitèrent en effet rapidement des conflits d’usage opposant les propriétaires et la population autochtone qui revendiquait son droit de possession puisque les sources jaillissent au pied du Mont Turon-Vuspis situé sur le territoire de Lurbe. Aussi les habitants et jurats intentèrent-ils plusieurs procès dont celui débuté en 1716 à l’encontre de Marguerite de Lassalle Gurmençon de Monein, fille d’Arnaud de Lassalle, procès repris après son décès par son petit-fils Jean de Badet de Lassalle. La communauté de Lurbe réclamait la moitié de la possession des sources et des chemins et donc les impôts correspondant concernant notamment les "fontaines minérales". Le litige fut porté au Parlement de Pau en 1719 et ne fut résolu qu’en 1768 mettant fin à quarante-neuf ans de tergiversations. Après un subsidiaire arrêté de vérification concernant les possessions de Badet de Lassalle en 1762, les parties finirent par trouver un compromis à l’amiable rédigé et signé devant le notaire Bergeret à Oloron en 1763. Ce document, validé au Parlement de Navarre la même année, n’accorde en définitive aux habitants de Lurbe qu’un avantage monétaire – commun et observé dans la plupart des sources exploitées à l’époque - pour y prendre les eaux et la gratuité pour la puiser avec interdiction formelle de la commercialiser. Les habitants de Lurbe "se départant de tout droit et prétention" sur ces biens s’engagèrent ainsi à reconnaître le sieur de Lassalle et ses successeurs ou ayant-droits comme seuls "maîtres paisibles possesseurs des biens et domaines de Saint-Christau de même que des fontaines minérales". Cette convention est entérinée par le Parlement de Pau en 1768 avec un arrêté qui met un terme définitif à l’affaire judiciaire et se montre plus sévère encore avec la communauté risquant "une amende de mille livres" en cas de commercialisation des eaux.
Au demeurant, ce procès fleuve contribua grandement à la notoriété de la source au 18e siècle, qui commence à apparaître dans les cartographies à cette époque notamment, dans celle de Cassini. En revanche, la carte de Guillaume de L’Isle (1675-1726) publiée à titre posthume en 1742 mentionne les "eaux minérales" d'Escot toutes proches mais pas celles de Saint-Christau. Dans ce contexte, la notoriété embryonnaire des sources attira la curiosité de Théophile de Bordeu, médecin et fondateur du thermalisme pyrénéen, y réalisant une description détaillée mais visiblement peu analytique dès 1746. L’action de son confrère, le docteur de Lamerenx, semble plus décisive pour Saint-Christau qu’il présente en des termes élogieux dans une notice scientifique et auprès de sa clientèle issue des grandes maisons du Béarn. Peut-être en raison de l’action judiciaire dont elles étaient l’objet, les sources de Saint-Christau attirèrent dans un premier temps des personnalités du milieu de la magistrature, et ce, malgré l’état d’extrême vétusté de leurs installations. Les équipements se composaient alors de trois cuves en bois "fort sales enfoncées dans la terre et abritées par une mauvaise cabane", d’une voûte en briques implantée au-dessus de la source des Dartres et d’une maison précaire pour héberger les baigneurs.
A l’issue du procès, en 1764, Jean de Badet, l’arrière-petit-fils de Simon de Lassalle, vendit la propriété à Roch de Bousquet, négociant à Cadix, qui commença à améliorer modestement les installations en y établissant six baignoires alimentées par les deux sources (Dartres et Fièvre, rebaptisées ultérieurement Arceaux et Prieuré) et en reconstruisant le bâtiment des baigneurs devenu hôtel de la Poste au 19e siècle. Une dizaine d’années plus tard, la fréquentation grandissante des bains drainait alors des notables de la province, en particulier les membres et le président du Parlement de Béarn qui, selon les historiens locaux, étaient hébergés au sein des bourgs de Lurbe et d’Eysus. A la même époque, un domestique de Bousquet découvrit les deux sources dites du Pré ou de la Prairie au nord du site originel. Ces eaux ferro-cuivreuses très abondantes, respectivement tiède (source Bazin) et froide (source Tillot), entraînèrent immédiatement l’aménagement de la prairie et la construction d’un nouvel établissement de bains (Bains du Pré ou de la Rotonde) doté de six baignoires. Ainsi le site continua-t-il de fleurir encore timidement jusqu’à la Révolution de 1789, laquelle amorça à Saint-Christau, en raison de la fuite de son propriétaire vers l’Espagne, une longue période de sommeil sous la direction d’un métayer.
Saint-Christau et la renaissance des villes d’eaux au 19e siècle : les actions déterminantes de Pierre Antoine Joseph de Bois-Juzan et de Jean Armand de Barraute
Durant cette phase de ralentissement, le site recouvra sa vie agricole d’antan tandis que les sources demeuraient vraisemblablement fréquentées par les habitants de Lurbe. Un paysan, venu pêcher dans l’Ourtau, découvrit en 1810 la dernière source dite des Œufs à proximité du cours d’eau et des Bains du Pré. En raison de sa composition caractéristique et odorante de soufre et des conditions de sa découverte, elle fut nommée source sulfureuse ou du Pêcheur.
Au terme d’un procès se déroulant entre 1831 et 1833, Charles de Bousquet, fils du dénommé Roch précité, vend le domaine en faveur de Pierre Antoine Joseph de Bois-Juzan qui, en plein essor du thermalisme moderne sur l’impulsion des duchesses de Berry et d’Angoulême, s’attèle immédiatement à l’amélioration du site. Bien que tombé dans l’oubli, Bois-Juzan est le premier à véritablement moderniser le fonctionnement des bains de Saint-Christau : il emploie d’emblée un régisseur des eaux thermales, Jean Théophile Jacob, comme dans les stations plus importantes, mais surtout, en 1835, il commande déjà la rénovation des installations et du bâti – en particulier les Bains de la Rotonde – et la construction de quelques bâtiments d’envergure – notamment le futur hôtel du Mogol, deux maisons en bord de route démolies par la suite, une buvette pour la source sulfureuse et probablement la chapelle détruite au début du 20e siècle. Bois-Juzan, cherchant à poser un cadre clair à son activité thermale, souscrit une police d’assurance contre l’incendie le 23 août 1836 couvrant les bâtiments de Saint-Christau pour sept ans auprès de la Compagnie Générale d’Assurances et procède à la délimitation officielle de la propriété formalisée dans un acte du 26 mars 1838 en concertation avec ses voisins d’Eysus et de Lurbe. Dans le même temps et en plein essor des sciences thermo-minérales, des analyses sont réalisées plus régulièrement, dont celles du docteur de Courtilhe donnent lieu à une pionnière notice descriptive et historique des eaux de Saint-Christau en 1835. Ainsi la notoriété et le développement de la station se poursuivent-ils à ce rythme jusqu’au décès de Bois-Juzan survenu à l’âge de 59 ans le 28 octobre 1841 et aux complications successorales qui s’ensuivent.
La situation familiale complexe du propriétaire de Saint-Christau au moment de sa mort le conduit en effet à produire un testament largement contesté par sa filiation légitime. Bois-Juzan est séparé de son épouse Françoise Xavière dite Frasquita de Parraga dont il a quatre enfants et à laquelle il verse une pension depuis 1823. Mais il fait figurer parmi ses héritiers son ancienne gouvernante et lingère mineure, Catherine Supervie Masounette, ainsi que le fils naturel de celle-ci surnommé Oscar et probablement sa sœur Daunine Supervie Masounette, tous trois domiciliés précipitamment à Tarbes suite au litige concernant l’héritage. De fait, Bois-Juzan était étroitement lié à cette famille, dont il avait fourni la dote à la mère lors de son mariage avec Jean-François Masounette, boucher à Oloron. Suite à la requête de la fille du défunt résidant à Saint-Christau, Rosalie de Bois-Juzan, appuyée par ses frères et sœurs (Victoire, épouse du capitaine Jean-Gustave Bernadotte ; Alexandre, receveur des douanes à Ustaritz ; Julie Adélaïde, épouse Pic de Llano demeurant à Bilbao), les parties sont convoquées par le notaire Pourtau-Penne durant de longues séances in situ en novembre et décembre 1841 afin de procéder à l’inventaire des biens mobiliers placés sous scellés. Puis un procès les oppose jusqu’en 1846.
Face au désordre général, un administrateur de biens, Joseph Mahinz établi à Oloron, nommé dès le mois suivant le décès du patriarche, se charge de la mise en ferme des bains et autres équipements immobiliers du domaine. La première adjudication est ainsi attribuée à Bernard Loustalot, un ancien métayer, pour l’année 1842 moyennant la somme de 1.410 francs. Un jugement de l’affaire intentée à l’initiative de Catherine Masounette, devenue administratrice des biens, est prononcé le 24 août 1844, mais il est suivi d’un second jugement dans celle initiée par les cohéritiers Bois-Juzan le 22 juillet 1846, tandis que les procédures d’adjudication semblent les opposer systématiquement. L’exploitation thermale et hôtelière perdure malgré ces actions judiciaires, si bien que les eaux minérales obtiennent leur reconnaissance officielle avec l’autorisation accordée par un arrêté du ministère de l’Agriculture et du Commerce le 11 novembre 1845, qui toutefois ne désigne pas expressément les noms des sources concernées.
Quoi qu’il en soit, c’est probablement ce profond conflit successoral qui conduit fatalement à la vente de la propriété aux enchères auprès du tribunal d’Oloron le 28 février 1846 pour la somme de 120.005 francs en faveur de Marie Encarnación Armada comtesse de Barraute d’Armendaritz, dont l’époux est décédé en 1838. La procédure d’acquisition est d’ailleurs marquée par un dépôt de contestation à l’encontre des cohéritiers Bois-Juzan le 26 avril 1846, probablement en raison de la pension de 1.100 francs que l’acquéreur doit verser à vie à la veuve de Bois-Juzan puis à ses ayant-droits selon le cahier des charges de l’adjudication.
Quoique propriétaire des biens de Saint-Christau jusqu’à son décès, la comtesse de Barraute est largement secondée par son fils Jean-Armand né en 1818 auquel est usuellement attribué le succès de la station à partir du Second Empire. Ce dernier, père de huit enfants en seulement treize ans, acquiert plusieurs terres avoisinant celles de sa mère à Eysus et Saint-Christau entre 1846 et 1853 pour lesquels des actes notariés sont déposés au tribunal d’Oloron et auprès du notaire Casanave. La matrice cadastrale établie en mars 1847 attribue une multitude de terres à la comtesse de Barraute d’Armendaritz, dont le patrimoine bâti comporte alors deux maisons (décrites comme le Château et un édifice en construction, qui désignent vraisemblablement les hôtels de la Poste et du Parc), les Bains vieux alimentés par la source dite des Dartres (selon l’acte d’adjudication), les Bains du Pré, la chapelle et la maison sise au Vigneau (correspondant à l’ancienne commanderie).
Sous son impulsion et celle de son fils, décisives, sont entrepris vers 1850 l'achèvement de l’hôtel du Parc ainsi que les constructions des trois chalets de villégiature (Bleu, Rose, Marguerite), la nouvelle buvette, le pavillon des cinq canettes et la buvette sulfureuse, tandis que sont réalisés des agrandissements aux bains de la Rotonde en 1849, à la commanderie et vraisemblablement à l’ancienne chapelle démolie plus tard (située à quelques mètres du lieu de culte actuel), le tout au sein d’un parc nouvellement réaménagé dans le goût romantique de l’époque. Ces équipements permettant une importante capacité d’accueil tant du point de vue des logements que de l’exploitation thermo-minérale ambitionnent incontestablement de hisser la modeste station au rang des prestigieuses villes d’eaux en vogue. La bonne réputation de Saint-Christau est d’autant plus plébiscitée en raison des vertus dermatologiques de ses eaux ferro-cuivreuses qui, semble-t-il, prémunissent ses usagers de l’effrayante épidémie de choléra de 1849. Dans sa démarche de développement économique, le comte de Barraute se plie au jeu de la communication touristique en éditant des documents et dépliants publicitaires, notamment à l’attention de la clientèle russe, férue de séjours de villégiature balnéaire et thermale. D’ailleurs, il est allié à l’aristocratie de ce pays par les mariages de deux de ses enfants : sa fille Marie Encarnación ayant épousé Alexandre de Moller, lieutenant colonel commandant en chef des troupes de Sibérie orientale, filleul de l’empereur Alexandre Ier et dont le témoin de mariage n’était autre que Prosper Darralde, le médecin thermal des Eaux-Bonnes ; et son fils Louis Henri ayant épousé Catalina Krassowski, fille d’un puissant officier et à laquelle serait attribuée la création du fameux gâteau russe d’Oloron.
Sans doute grâce à son entregent et ses velléités commerciales, le règne du comte de Barraute est également marqué par les premières nominations de médecins thermaux attachés spécifiquement à la station, comme le veut la procédure dans les villes d’eaux reconnues par l’État, ce qui occasionne en parallèle la publication d’un règlement le 4 février 1878 qui régit le fonctionnement de la station jusqu’à sa modification en 1920. Nommé par le ministre de l’Agriculture et du Commerce, le médecin inspecteur – assisté d’un inspecteur adjoint – doit résider sur place durant la saison thermale, de mai à octobre. La fonction est inaugurée par le docteur d’Arcet jusqu’en 1862, puis endossée pendant une quinzaine d’années, par le docteur Émile Tillot, un ancien interne des hôpitaux de Paris et président de la Société d’hydrologie, qui produisit une importante notice analytique sur les eaux cuivreuses de Saint-Christau et suscita ainsi le grand intérêt de ses anciens et illustres confrères. C’est en son hommage et celui de son professeur, Ernest Bazin (1807-1878), à l’hôpital Saint-Louis, que sont renommées les deux sources de la prairie. Cette période de l’histoire, entre le Second Empire et le début de la Troisième République, est considérée comme l’âge d’or de la station, dont la fréquentation s’accroît de façon exponentielle en drainant les élites nationales et internationales, notamment les notables parisiens et les carlistes espagnols en fuite. Le site ne tarde pas à s’octroyer tout le confort de la société industrielle, depuis le télégraphe (dès 1866) et une recette des postes jusqu’à l’électricité en passant par la modernisation des installations médicales et la création de salons de danse et de divertissement à l’image des plus grandes villes d’eaux, faisant de Saint-Christau à la fois un lieu de soins, de méditation et, malgré son cadre singulièrement paisible, de sociabilité.
Après le départ du docteur Tillot et le décès du comte Jean Armand de Barraute, qui marque un ralentissement à cette frénésie, son épouse Maria Maravillas d’Elio Ezpeleta, originaire de Navarre et sœur d’un célèbre général carliste, est toujours vivante et en possession de la station en 1884, à l’apogée du thermalisme français qui dès lors commence à connaître un déclin inexorable. C’est à cette époque, en 1882, que le docteur Paul Bénard est nommé médecin thermal du site. Impulsant un nouveau souffle dans la modernisation des soins et des équipements médicaux, son attachement et son engagement pour Saint-Christau ne sont interrompus que par son décès en 1910 après 28 ans de bons et loyaux services, ce qui, associé aux conséquences de la guerre et à la baisse générale de l’activité thermale au niveau national, provoque une période irrémédiable de déclin. En plus du dynamisme de l’activité médicale, il impulse fort probablement la commercialisation des eaux minérales en bouteille à partir des années 1890.
Une station vivant à l’aune des conflits militaires du 20e siècle
Par le hasard des successions, la petite-fille de Jean-Armand de Barraute, prénommée Maria, née en 1868, fille de Catalina Krassowski, hérite de la propriété en 1898. Avec son époux, Henry Presle du Plessis, directeur des haras de Pau, elle continue de développer la station en y édifiant un casino, la chapelle actuelle, une buvette, des magasins d’embouteillage mais aussi des bâtiments industriels souvent détruits de nos jours (fromagerie, scierie, savonnerie) faisant de la station un véritable microcosme économique et social pourvoyeur d’emplois. Le couple du Plessis prend également à sa charge l’installation du réseau téléphonique sur la commune de Lurbe en 1904 suite à une circulaire adressée par la chambre de commerce de Bayonne aux maires des communes entre la Basse-Navarre et la vallée d’Ossau. Outre la recette des postes, la station thermale est ainsi dotée de la cabine téléphonique communale qui sera transférée vers le bourg en 1936. Mais le développement du site attise le mécontentement de la communauté qui n’a plus accès au chemin traversant la station comme le stipulait la convention de 1763. C’est pourquoi les propriétaires se voient sévèrement rappelés à l’ordre à ce sujet par le sous-préfet en avril 1897.
L’activité de Saint-Christau continue donc d’être relativement dynamique, en témoigne également la prolifique production de cartes postales du début du 20e siècle mettant en scène les baigneurs et les métayers, les promenades contemplatives et la sortie de la messe, le paysage charmant et les architectures pittoresques. Saint-Christau est d’ailleurs érigée en station hydrominérale par arrêté du 16 février 1913, signé par le président Fallières et le ministre de l’Intérieur Aristide Briand. C’est seulement la vingtième ville d'eaux à bénéficier de ce statut mis en œuvre à partir de 1912, qui compte une cinquantaine de stations quarante ans plus tard et qui implique théoriquement la réalisation d’un projet d’aménagement communal.
Mais, à la veille de la Première Guerre mondiale, Maria Presle du Plessis décède brutalement d’une pneumonie le 22 août 1913 à Téhéran tandis que son époux la suit dans la tombe quelques mois plus tard en décembre de la même année, laissant pour héritiers leurs deux enfants, Armand âgé de 20 ans et Renée Maravillas âgée de 22 ans. L'administrateur de leur succession n'est autre que leur gendre, Philibert de la Barge de Certeau, marquis d’Ozenay, suite à une ordonnance en référé prononcée par le tribunal d’instance d’Oloron 13 avril 1914.
Après ces décès soudains, les conflits militaires du 20e siècle marquent et renouvellent singulièrement l’histoire de Saint-Christau. Ses installations, comprenant environ 150 chambres, favorisent en effet l’hébergement de masses de blessés et de réfugiés. Aussi dès la Première Guerre mondiale, la station est-elle réquisitionnée en tant qu’hôpital complémentaire, ce qui nécessite des rénovations et un inventaire des dommages dressé par l’architecte Jules Noutary en 1915. Les propriétaires sont également marqués dans leur chair par la Grande Guerre puisque Armand Presle du Plessis, aviateur remarquable mobilisé dès novembre 1914, meurt pour la patrie en août 1917 après avoir été touché par l’ennemi dans le ciel de Soissons à l’âge de 24 ans. Au-delà de la reconnaissance militaire, son tombeau, sis au cimetière de Lurbe, montre son attachement à Saint-Christau.
Parallèlement, ce n’est qu’en 1917, après une vingtaine d’années de travaux pour créer la ligne transpyrénéenne entre Pau et Saragosse par le col du Somport, que la gare de Saint-Christau-Lurbe est mise en service. Située sur le tronçon Oloron-Bedous, elle a pour vocation de désenclaver les zones rurales de la vallée d’Aspe mais aussi de desservir la station thermale dont elle arbore le nom telle une affiche publicitaire. La gare est alors reliée à la station par la route des Thermes, qui passe devant deux hôtels du bourg (Les Vallées et Au bon coin) autrefois réservés à une clientèle locale et modeste. Les cartes postales des années 1920 illustrent les premières automobiles à traction sillonnant la propriété thermale et le village, et, toujours, une activité florissante.
Durant l’entre-deux-guerres, Renée Presle du Plessis, marquise d’Ozenay, et son époux, commandent des remaniements pour l’hôtel du Mogol, l’hôtel de la Poste et le pavillon Bénard à l’architecte parisien Albert Grenier ainsi que les extensions à l’établissement de la Rotonde en 1927. En parallèle, l’exploitation des bains est confiée à la Société Fermière des eaux de Saint-Christau. Le règlement de la station, modifié par arrêté préfectoral le 12 février 1920, confie l’établissement non plus à un médecin inspecteur mais à médecin directeur qui loge sur place du 1er mai au 15 octobre. Suite au décès prématuré de la marquise d’Ozenay inhumée aux côtés de son frère au cimetière de Lurbe en 1929 à l’âge de 36 ans, c’est son mari qui devient propriétaire des terres. Ce dernier traversera des évènements très mouvementés avec la station, depuis les déboires administratifs jusqu’aux conflits mondiaux et aux désordres sanitaires.
Il doit tout d’abord assister à la création d’une chambre d’industrie thermale à Saint-Christau, comme le stipule la loi du 24 septembre 1919 sur les stations hydrominérales. Suite aux démarches du préfet des Basses-Pyrénées et de la commune à partir de 1931, un décret du ministère de la Santé publique paraît en ce sens le 6 août 1936 créant officiellement la chambre d’industrie en question avec la liste des professions concernées (médecins, pharmaciens, hôteliers, commerçants et autres corps de métier en lien direct ou indirect avec le thermalisme). Ce statut permet à la commune de Lurbe la programmation de travaux et, surtout, la perception d’une taxe de séjour destinée à assurer l’accueil des indigents dans la station (selon le décret du 6 février 1938 : 3 francs par personne et par jour pour les hôtels et appartements de luxe ; 20 centimes pour les auberges et pensions), mais la perception de la taxe ne semble effective qu’après la Seconde Guerre mondiale et l’insistance du sous-préfet des Basses-Pyrénées auprès de la commune.
Dans les années 1930, le marquis d’Ozenay fait également face à deux procès, qu’il perd successivement, l’opposant à la commune de Lurbe en 1931 et 1932 au sujet sempiternel de l’usage des eaux thermales. Il est par la suite confronté à plusieurs pollutions bactériologiques dans les sources des Arceaux et du Prieuré résultant des installations sanitaires avoisinantes, qui conduisent à la fermeture des Bains vieux pour la saison 1938. L’année suivante, seule la source des Arceaux est encore exploitée.
Le marquis d’Ozenay est ensuite confronté aux conséquences de la Guerre civile d’Espagne dont les réfugiés basques sont accueillis à Saint-Christau entre 1937 et 1940 dans le cadre d’une collaboration entre le Bureau de la Défense nationale et le Comité de Secours aux basques de la Ligue internationale des Amis des Basques, section française. Vantant les capacités d’accueil des installations hôtelières, le maire de Lurbe indique lors d’une conversation téléphonique que la station peut accueillir jusqu’à 700 réfugiés, soit 200 de plus qu’à Oloron, une proportion importante au regard de la population de la commune. Les bâtiments font donc l’objet de travaux à ces fins et la station est rebaptisée « Résidence basque de Saint-Christau-Lurbe ». Comme le triste camp de Gurs, la proximité de la commune avec la frontière a sans doute favorisé la venue des réfugiés, dont l’histoire a non seulement marqué la station thermale mais aussi le bourg lurbais, comme en atteste le carré dévolu aux réfugiés basques et son notable monument allégorique au sein du cimetière de Lurbe. L’accueil des réfugiés s’opère en deux phases, la première en 1937, la seconde en 1939, ce dont attestent les rares documents subsistants. En septembre 1937, le directeur du centre d’accueil informe le maire qu’il héberge 337 réfugiés et mutilés. En mars 1939, la station accueille 99 personnes (38 femmes, 52 enfants, 8 hommes de plus de 48 ans, 1 homme de moins de 48 ans). Le 4 avril de la même année, en une seule journée, sont accueillis 21 réfugiés (16 femmes et 5 enfants). L’écrasante proportion de femmes et d’enfants, surtout de la seconde vague, est très représentative des populations ayant participé à la Retirada et qui seront rejointes dans un second temps par les hommes lorsqu’ils survivent.
Le marquis d’Ozenay, décédé en 1939, n’a pas le temps d’assister à la nouvelle occupation de Saint-Christau, dont le destin est dès lors placé entre les mains de ses six héritiers dont son fils aîné, Hubert, né en 1917. A peine la Guerre civile avortée par la victoire de Franco, c’est en effet la Seconde Guerre mondiale qui investit les vastes et paisibles locaux de Saint-Christau. Après avoir recueilli dans un premier temps une centaine d’orphelins de l’est de la France, qui ont entraîné la création de trois classes supplémentaires au village, la station assiste à l’installation des soldats et des officiers allemands en permission qui viennent séjourner au sein des anciens hôtels et des chalets entre 1942 et 1944. Les dégâts de cette occupation, dressés par l’architecte Fernand Noutary à l’issue de la guerre, sont estimés à près de 5 millions de francs malgré les inventaires méticuleux réalisés par les Allemands à leur arrivée et leur départ. Ces dégâts s’expliquent cependant moins par les dégradations volontaires que par le manque d’entretien des lieux et les diverses transformations opérées depuis 1937. Les travaux, évidemment pris en charge par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, ont lieu entre 1946 et 1953 sous la direction de l’architecte palois et à l’initiative d’Hubert et Amalric d’Ozenay. La station semble avoir fonctionné de nouveau dès l’issue de la guerre, comme en témoigne l’arrêté du sous-préfet en date du 15 septembre 1945 qui fixe la consommation de viande dans les restaurants des stations de Saint-Christau et de Salies-de-Béarn aux mardi, samedi et dimanche. Après ces multiples transformations et occupations à des fins diverses depuis le 19e siècle, les bâtiments ont considérablement changé et ne conservent que dans leur structure leurs dispositions originelles.
Le renouveau du thermalisme depuis les Trente Glorieuses : de la Société Thermale de Saint-Christau à la Chaîne Thermale du Soleil
Après les travaux de réhabilitation faisant suite à la Seconde Guerre mondiale, la station appartient en indivision à six héritiers d’Ozenay, dont Hubert et Amalric semblent les plus investis pour le devenir de ce patrimoine familial. Les membres de la chambre d’industrie thermale de Saint-Christau ne sont renouvelés que lors des élections du 30 août 1948.
Les cohéritiers entament ensuite d’autres démarches, tentant de redynamiser la station en créant la Société Thermale de Saint-Christau le 29 mars 1951 pour une durée de 99 ans mais dont la courte existence est placée sous le joug de l’instabilité économique. Cette société à responsabilité limitée (SARL), à laquelle ils vendent leurs parts de propriété, rachètent celles de leurs quatre cohéritiers dès la première assemblée générale le 30 mars 1951. Devenue propriétaire exclusive de Saint-Christau, elle réunit par ailleurs autour d’un capital de 21 millions de francs une petite dizaine de souscripteurs, parmi lesquels Robert Carbonery, nommé gérant, son fils Théophile Carbonery, pharmacien à Pau, ainsi que René, Henri et Germaine Despaux, concessionnaires des eaux de Salies-de-Béarn, et les laboratoires de Jean-Paul Mialhe, dont le siège social est installé à Monte-Carlo.
Après un an d’exercice, Robert Carbonery, contraint de démissionné pour raisons de santé, est remplacé par Jean-Paul Mialhe qui, lors du décès de son prédécesseur quelques mois plus tard, regrette la perte d’un collaborateur et ami et met en place une stratégie de développement. Les comptes de cette société étant continuellement déficitaires, le capital est réduit à 10,5 millions de francs trois ans après sa création, ce qui occasionne une nouvelle inscription au Registre du Commerce sous le statut de Société Anonyme le 18 septembre 1954. Mais le capital est finalement augmenté à 50 millions de francs dès 1955 renforcé par trente-quatre souscripteurs dont, en plus des précédents, la Société Africaine de Quincaillerie basée au Maroc, le docteur Ebrard – médecin thermal de Saint-Christau -, A. Théophile, propriétaire de l’hôtel Les Vallées, les usines Laprade d’Arudy et de nombreux entrepreneurs ou notables de la France entière. La famille d’Ozenay en est désormais absente (peut-être suite à la disparition des deux membres impliqués jusque là) et ce sont les laboratoires Mialhe qui deviennent l’actionnaire majoritaire de la société.
La même année, un Rapport sur la station thermale de Saint-Christau et ses possibilités compile entre autres les appréciations élogieuses de divers médecins reconnus, considérant ses eaux cuivreuses comme "uniques en France", "la providence" pour les affections dermatologiques ou encore "vraiment merveilleuses". Les cinq sources, régulièrement analysées par les services de l’État, sont, sans surprise, répertoriées le 31 décembre 1961 dans la nomenclature des eaux minérales françaises. Parmi les reconversions envisagées dans le rapport, jamais mises en œuvre, figurent la médication des maladies tropicales, les usages pharmaceutiques, et même les soins vétérinaires et la cosmétique. En dépit des efforts continuels de redynamisation de la station, son déficit chronique conduit à la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie reposant sur la rénovation des installations hôtelières et médicales et une campagne publicitaire "bien étudiée".
Ce plan d’action s’avérant très onéreux, le conseil d’administration de la Société Thermale de Saint-Christau confie son exploitation en location-gérance à la Société Thermale de Molitg-les-Bains le 30 novembre 1964, société anonyme fondée par Adrien Barthélémy, présidée par Roger Manaut et administrée par Augustine Hélène Barthélémy - sœur d’Adrien et épouse d’un G.I. américain nommé Derral Gateley -, René Gruel et les Laboratoires Mialhe, qui sont sans doute à l’origine de la transaction. Adrien Barthélémy était "tombé immédiatement sous le charme" de la propriété vallonnée et verdoyante lors de sa première visite au début des années 1950 et son empire thermal connaissait un succès croissant avec l’acquisition récente de stations en grandes difficultés financières telles Barbotan-les-Thermes, Eugénie-les-Bains et Gréoux-les-Bains entre 1958 et 1963. Le choix du nouvel exploitant, à l’origine du renouveau de la station de Molitg-les-Bains (Pyrénées-Orientales), ne peut être que prometteur au moment de la forte émergence du tourisme sanitaire et social facilité par le remboursement des cures par la Sécurité Sociale depuis 1947.
Mais le déficit persistant de Saint-Christau n’étant absorbé que par les fonds de la Société Thermale de Molitg-les-Bains (d’ailleurs les comptes d’exploitation de Saint-Christau pour cette période apparaissent dans ceux de Molitg), la station finit par être revendue à cette dernière, composant avec quatre autres stations d’Adrien Barthélémy un groupement baptisé Compagnie Française du Thermalisme en 1963 qui deviendra Chaîne Thermale du Soleil. Les dépliants touristiques édités par la firme, relevant de la même maquette pour chaque station, met l’accent sur l’exceptionnel cadre environnemental et régionaliste de Saint-Christau et sur ses spécificités thérapeutiques en la présentant comme "la seule station européenne des affections de la bouche". Après plusieurs siècles de confidentialité, Saint-Christau acquiert durant cette époque une visibilité extraordinaire grâce à une communication centralisée à Paris et aux côtés de stations renommées.
A son tour, cette société investit considérablement pour remettre au goût du jour les bâtiments hôteliers et les établissements thermaux, en y construisant en outre une piscine et un court de tennis, et en démolissant également certains bâtiments devenus trop vétustes et inexploitables (anciens thermes désaffectés depuis 1955, nouvelle buvette, garage, chalet du docteur Bénard, chalet des cinq canettes). La station, qui traite les affections dermatologiques et stomatologiques, connaît une fréquentation de 500 à 700 baigneurs dans les années 1980 et continue de produire de l’eau minérale distribuée en pharmacie à hauteur de 22.000 à 30.000 bouteilles par an entre 1958 et 1988 et sans publicité. Durant cette période, la Chaîne Thermale du Soleil procède également à de nombreux forages pour pérenniser son activité et pallier les pollutions bactériologiques notamment dues aux phénomènes météorologiques, avec l’autorisation d’exploiter le forage baptisé Adrien de Buffières - en hommage à Adrien Barthélémy et son lieu de naissance dans l’Aveyron – délivrée en 2006. Malgré ses efforts, la société, qui possède par ailleurs vingt autres stations entre le Massif Central, les Landes et le Languedoc-Roussillon et emploie de nos jours plus de 2.500 personnes en haute saison, est contrainte de mettre un terme à la production d’eau minérale de Saint-Christau en 1990 et aux activités thermales du site en 1999. Les chalets ont été réhabilités en résidences privées tandis que les hôtels de la Poste et du Parc continuent de fonctionner durant la saison estivale.
Analyse architecturale et paysagère
Évolution urbaine et paysagère
Principales phases de développement de la station
1. Habitat rural isolé (Moyen Âge). Deux bâtiments au cœur d’un territoire rural.
Hypothétique bâtiment principal (prieuré) implanté au niveau de la source. Bâtiment secondaire (commanderie) établi à l’est en bordure de la voie de communication menant à Arudy.
2. Habitat rural isolé (de la Renaissance à 1780). Trois constructions au sein d’un domaine agricole.
Constructions rurales précaires et terres agricoles. Domaine composé de la commanderie (à vocation désormais agricole), de trois cuves en bois près des sources et d’une voûte en brique au-dessus de la source des Dartres, l’ensemble étant placé sous le régime du colonage partiaire (métayage).
Le prieuré n’est plus mentionné.
Les terres situées entre ces deux édifices et le cours de l’Ourtau sont des terres labourables et des prairies, traversées par un chemin d’exploitation agricole utilisé par la population autochtone.
3. Naissance d’un petit hameau (1780-1830). Conversion vers les activités liées aux bains. Apparition d’un équipement dédié spécifiquement à l’hébergement des baigneurs.
Construction de deux édifices : l’hôtel de la Poste près de l’Ourtau et un établissement de bains à proximité de la source. La commanderie a une vocation exclusivement utilitaire et agricole.
4. Première densification de l’agglomération (1835-1837). Grands travaux de construction et d’aménagement pour le développement de l’activité thermale initiés par Bois-Juzan.
Construction de six édifices entre les sources et l’hôtel de la Poste : futur hôtel du Mogol, chapelle, deux maisons, établissement originel de la Rotonde, hôtel du Grand Turc. Agrandissement de l’établissement des Bains Vieux.
Déploiement de part et d’autre d’un chemin longeant une venelle affluent de l’Ourtau et d’un chemin reliant Eysus à la route d’Arudy.
Aménagement des terres agricoles en parc paysager.
5. Deuxième densification et fixation du plan de l’agglomération (1846-1892). Importante phase de développement thermal avec construction et aménagements dus à la comtesse et au comte de Barraute.
Construction de six édifices de villégiature et de loisirs : trois chalets, buvette sulfureuse, pavillon du Bois (plus tard du docteur Bénard), pavillon des cinq canettes. Agrandissement des bains de la Rotonde et de la Commanderie. Amélioration du parc paysager avec dessin des deux grands mails perpendiculaires.
6. Finalisation de l’organisation urbaine (1898-1915). Phase de développement à l’initiative du couple Presle du Plessis.
Constructions de plusieurs équipements finalisant les prestations de la station : casino, nouvelle buvette, magasins d’embouteillage, nouvelle chapelle
Démolition de l’ancienne chapelle
7. Maturité et apogée de l’agglomération (1927). Les interventions consistent dès lors en travaux de remaniements et d’améliorations, voire de démolitions, en fonction du contexte historique du moment :
a. Améliorations et remaniements (1915-1939) conduits par le couple d’Ozenay à des fins touristiques et médicales
b. Remaniements pour l’accueil des réfugiés basques suite à la Guerre civile espagnole (1937-1940) puis pour l'occupation allemande (1943-1944)
c. Rénovations faisant suite aux dégâts de la Seconde Guerre mondiale (1947-1951)
8. Diminution de l’agglomération et accroissement de la proportion paysagère sur le site (1951 à nos jours). Démolitions et rénovations de bâtiments.
Destructions : nouvelle buvette, Bains Vieux, garage, pavillon Bénard, pavillon des cinq canettes, buvette sulfureuse
Remaniements : Bains de la Rotonde, trois chalets, hôtel du Mogol, hôtel du Parc, hôtel de la Poste, commanderie
Du site rural à la station thermale
La station de Saint-Christau prend place au cœur d’un environnement rural et vallonné entouré par les monts Binet (au sud) et Turon-Vulpis (à l’ouest). La majeure partie du territoire est plane et délimitée au nord et à l’est par le cours sinueux de l’Ourtau. Le domaine se développe et se structure progressivement et assez régulièrement au rythme des générations de propriétaires qui marquent de leur empreinte l’organisation et la physionomie de l’agglomération. Le développement urbain peut être divisé en huit grandes phases, les trois premières (entre le Moyen Âge et le 18e siècle) étant relativement lentes, les suivantes se caractérisant par un rythme très intense jusqu’à atteindre la maturité urbaine durant l’entre-deux-guerres, moment à partir duquel l’agglomération connaît une période de décroissance matérielle correspondant à un changement stratégique de politique d’exploitation et, en définitive, à son déclin économique.
Les premières occupations du site consistent vraisemblablement en une petite série d’édifices constituant la seigneurie offerte par Gaston IV de Béarn à la communauté de Sainte-Christine du Somport. S’il en subsiste actuellement le bâtiment de la commanderie remanié de nombreuses fois, cet hôpital devait probablement compter également un prieuré (maison principale) et une chapelle, peut-être situés près de la source des Dartres (Arceaux). Au Moyen Age, le site se caractérise donc par un habitat isolé composé d’un à trois édifices de proportions modestes en milieu rural, implanté près des sources et au bord de la route d’Arudy. Les eaux ne sont cependant pas dotées d’un équipement spécifique, les usagers se contentant certainement de puiser l’eau à la résurgence voire de s’y baigner dans une cuve en bois – comme cela a été observé dans les sources connues et exploitées de l’époque médiévale.
De la Renaissance à 1780, les premiers aménagements liés aux bains font leur apparition à l’initiative de Simon de Lassalle et de ses descendants. Outre la commanderie, sont alors recensés trois cuves en bois – comme pour d’autres sources peu connues à la même époque telle Ogeu -, une voûte en briques placée au-dessus de la source des Dartres (Arceaux), mais aussi un bâtiment destiné à l’hébergement des baigneurs à l’emplacement de l’actuel hôtel de la Poste. L’agglomération se développe fort timidement et de façon encore dispersée, la majeure partie de ce territoire à vocation agraire se composant de terres labourables et de prairies. Par conséquent, sont alors dénombrés de façon certaine trois constructions et un aménagement thermal spartiate (les trois cuves) relativement isolés les uns des autres. Le site, toujours à dominante agraire, est en outre traversé par des voies d’exploitation agricole faisant aussi office de chemins d’usage et reliant Eysus à la route d’Arudy et à Lurbe.
Entre 1780 et 1835, le site poursuit sa conversion vers l’activité des bains de façon plus affirmée, avec la reconstruction ou l’agrandissement d’un logement pour baigneurs (hôtel de la Poste) et la construction d’un bâtiment thermal près de la source, ce qui porte à quatre le nombre d’édifices, dont deux à proximité de la résurgence. La commanderie revêt une fonction utilitaire et agricole, en cohérence avec la vocation de son environnement représentant une ressource économique. L’habitat demeure parsemé et prend la forme d’un petit hameau isolé, embryon d’une future agglomération, où chaque construction est agrémentée de ses terres.
Entre 1835 et 1837, le petit hameau commence à croître plus significativement sur l’impulsion de Pierre Antoine Joseph de Bois-Juzan. Six nouvelles constructions sont implantées le long d’un chemin d’exploitation connectant les sources à l’hôtel de la Poste. Sur cet axe, l’agglomération comprend alors une chapelle, puis en face, les Bains Vieux, deux maisons, l’hôtel du Mogol et l’hôtel de la Poste tandis que l’hôtel du Grand Turc (du Parc) est implanté perpendiculairement afin de composer une sorte de place faisant office de centre de distribution au cœur du domaine. A la même époque, le bâtiment primitif de la Rotonde est bâti à l’est du site, impliquant l’aménagement d’un chemin subsidiaire depuis les Bains Vieux, principal centre de l’organisation de l’agglomération.
Dès lors, la destination du site commence à changer fondamentalement. Les terres labourables et prairies font l’objet d’un aménagement rationnel à vocation ornementale et paysagère en se calquant sur les chemins d’exploitation pour en faire des allées de promenade et en composant de vastes étendues gazonnées à la mode anglaise. Mise à part la route d’Arudy à l’est, aucun sentier de promenade ne relie directement les Bains Vieux et l’ancienne commanderie, dont la vocation agricole persiste. Cependant reliée à la Rotonde toute proche, les bâtiments de la commanderie constituent une zone utilitaire à l’extrémité du domaine, éloignée de l’activité mondaine du thermalisme. La nouveauté réside dans le fait que désormais le site n’est plus seulement habité par ses métayers ou des baigneurs, mais aussi par son propriétaire (Bois-Juzan) qui occupe soit l’une des deux maisons près des bains, soit l’hôtel de la Poste. La propriété, le cédant à la mode du pittoresque et du romantisme, commence donc à adopter une dimension plurielle entre vocation utilitaire, recherche esthétique et dimension sociale, à l’instar des grands domaines privés du 18e et du 19e siècle, notamment ceux pionniers d’outre-Manche.
Voulue par la famille de Barraute, la phase de développement suivante, également déterminante, voit se poursuivre les constructions, implantées au sein du domaine de façon rationnelle en prenant en compte la logique d’aménagement paysager. Trois chalets locatifs sont construits à l’extrémité sud du domaine et reliés par des sentiers de promenade, composant ainsi le quartier de villégiature résidentielle. Des édifices de dimensions limitées sont édifiés à la croisée de chemins (pavillon des cinq canettes), en bord de cours d’eau et de sentier (cabinet du médecin, buvette sulfureuse), tels des points de repère dans l’espace paysager qui, ainsi, marquent des pauses contemplatives dans l’itinéraire de promenade et ne nuisent pas à la perception de l’espace naturel. Un soin particulier est accordé au parc avec l’aménagement des deux mails perpendiculaires, incarnant les deux épines dorsales de la propriété. Des plantations de centaines d’essences endémiques ou exotiques sont disposées le long des allées en s’inspirant des parcs à l’anglaise et jardins paysagers en vogue dans les grandes villes et au sein des grands domaines ruraux, de sorte de créer une illusion sauvage de ce territoire maîtrisé par l’humain. La propriété est ainsi non seulement structurée par le bâti mais aussi par les aménagements et l’architecture paysagère. Le site continue de relever de la typologie des grands domaines privés du 19e siècle plus que d’une station thermale au sens urbain du terme. Mais l’organisation de ces édifices entre eux s’apparente à une petite agglomération avec un centre où sont rassemblés les espaces communs (vieux bains, chapelle, cabinets de consultation). Les logements collectifs (hôtels) se trouvent à proximité tandis que l’habitat individuel (chalets locatifs) est excentré. Enfin, les édifices utilitaires et les logements de fonction du personnel (jardinier, voiturier, métayer) sont relégués à l’extrémité de la propriété au sein d’une zone technique moins valorisable mais faisant partie intégrante de la logique urbaine.
La famille Presle du Plessis complète les constructions précédentes, perfectionnant ainsi les prestations du domaine en y installant des équipements techniques et utilitaires, tantôt près des thermes (magasins d’embouteillages), tantôt de façon plus ou moins visible dans la périphérie de la propriété (savonnerie, scierie, fromagerie). Mais ils complètent aussi les prestations existantes avec des bâtiments aux fonctions caractéristiques d’une station thermale (divertissement, culte, buvette). Un casino-club est reconstruit au bord du plan d’eau, ménageant une ouverture vers un environnement plus intime tout en étant situé à proximité des logements. L’ancienne chapelle est démolie, puis reconstruite à quelques mètres tout près des Bains Vieux et de la Nouvelle buvette, également édifiée à l’initiative des Presle du Plessis. Ainsi, l’espace autour du vieil établissement se densifie, mais l’urbanisation n’empiète plus sur les espaces découverts qui contribuent pleinement à l’harmonie et la force du domaine. La station atteint à cette époque sa maturité morphologique, le plan étant désormais figé et les nouvelles constructions s’avérant éparses et ponctuelles. Cette période est suivie par une phase de remaniements et de rénovations sans incidences sur le développement de l’agglomération.
A partir de la Seconde Guerre mondiale, et surtout des Trente Glorieuses, le bâti ne croît plus mais, au contraire, commence à décliner progressivement avec les démolitions de plusieurs édifices devenus à la fois vétustes et inutiles. Aussi la démolition de la Nouvelle buvette et des Bains Vieux modifie considérablement l’organisation urbaine, d’autant plus que la route, désormais goudronnée, est elle-même remaniée. A cela il faut ajouter la destruction du garage et du pavillon Bénard et la démolition presque entière du pavillon des Cinq Cannettes qui ponctuaient l’allée. C’est pourquoi le cœur de l’agglomération se déplace fatalement vers les hôtels, qui passent dorénavant d’une fonction résidentielle à celle de centre d’animation.
Commanditaire | Datation des chantiers | Édifices construits | Édifices remaniés | Édifices démolis |
Gaston IV le croisé | 12e siècle | 2 | 0 | 0 |
Simon de Lassalle et descendants | 1680-1763 | 2 | 0 | 1 |
Roch de Bousquet | 1763-1789 | 3 | 0 | 1 |
Pierre-Antoine-Joseph de Bois-Juzan | 1835-1837 | 7 (Grand Turc et parc compris | 0 | 0 |
Comtesse et comte de Barraute | 1849-1860 | 10 (parc compris) | 3 | 0 |
Maria et Henri Presle du Plessis | 1890-1913 | 8 | 0 | 1 |
Renée et Charles d'Ozenay | 1915-1939 | 1 | 5 | 0 |
Cohéritiers d'Ozenay et Société Thermale de Saint-Christau | 1939-1964 | 0 | 7 | 0 |
Chaîne Thermale du Soleil | 1964-... | 0 | 7 | 6 |
Nombre | Édifices existants | Nombre | Édifices démolis |
1 | Commanderie (parties utilitaires) | 1 | Bains Vieux |
2 | Hôtel de la Poste | 2 | Première chapelle |
3 | Bains de la Rotonde | 3 | Bâtiment entre les sources et l'hôtel de la Poste (1) |
4 | Hôtel du Mogol | 4 | Bâtiment entre les sources et l'hôtel de la Poste (2) |
5 | Parc | 5 | Pavillon Bénard |
6 | Hôtel du Grand Turc (du Parc) | 6 | Maison du jardinier (ruines) |
7 | Chalet Marguerite | 7 | Pavillon des Cinq Canettes |
8 | Chalet Bleu | 8 | Nouvelle buvette |
9 | Chalet Rose | 9 | Savonnerie |
10 | Magasin d'embouteillage | 10 | Scierie |
11 | Maison du voiturier | 11 | Garage-théâtre |
12 | Moulin de la cascade | 12 | Buvette sulfureuse |
13 | Chapelle | 13 | Commanderie (anciens logements en ruines) |
14 | Casino |
Singularités et conformisme d’une station thermale
La prépondérance du site : entre singularité d’un domaine thermal et modèle territorial des bains excentrés
A la différence de nombreuses stations thermales, Saint-Christau n’est pas une ville mais un domaine privé, qui prend place au sein d’un environnement rural composé de collines (mont Binet, mont Turon-Vulpis), de forêts et de cours d’eau. Le domaine est non seulement traversé par l’Ourtau qui délimite son extrémité orientale mais aussi par de nombreuses venelles, comme celle au-dessus de laquelle est implanté le cabinet médical des Bains de la Rotonde. Les édifices sont établis autour d’un parc paysager, aménagé sur d’anciennes terres labourables et prairies, qui constitue véritablement le cœur du domaine, vers lequel tous les regards, les sentiers et les équipements convergent. Les proportions restreintes, le faible nombre de constructions et cette prédominance du paysage offrent une atmosphère singulièrement paisible qui fait l’originalité de Saint-Christau et en bannit le tumulte habituel des villes de villégiature où affluent des masses de curistes, ce qui ne l’empêche pas d’être également un lieu de mondanités, mais plus propice à l’intimité que ses homologues. Ici l’intégration de l’espace thermal correspond en somme au modèle de la station éloignée du centre historique, incarné par le bourg de Lurbe, qui constitue l’articulation territoriale la plus répandue dans le massif pyrénéen.
Le thermalisme et la villégiature se développant dans le contexte de l’industrialisation, du progrès scientifique et du romantisme propres au 19e siècle, le paysage endosse une fonction primordiale au sein des lieux de villégiature. A Saint-Christau, il ne déroge pas à cette règle en compilant les vocations ornementale, thérapeutique et métaphysique en tant que composante du patrimoine bâti, support des promenades de convalescence, de l’imaginaire et de la contemplation romantique.
De l’établissement de bains isolé à la micro-station thermale : une typologie représentative de la ville d'eaux
Malgré ses faibles proportions et son statut de propriété privée, le domaine thermal de Saint-Christau est composé à son apogée d’une trentaine de bâtiments, dont la diversité des fonctions est habituellement propre aux villes d’eaux en tant que territoire communal. A chaque époque, les nouveaux acquéreurs du site ont investi pour offrir des prestations au goût du jour à la fois en termes médicaux et de confort. D’ailleurs, le développement de Saint-Christau correspond à chaque époque au modèle courant de la station thermale. Si au 18e siècle les cuves en bois abritées dans une cabane, une voûte au-dessus de la source et un bâtiment logeant les baigneurs sont suffisants comme dans de nombreuses stations (notamment Eaux-Bonnes), les installations se déploient sous la monarchie de Juillet avec l’accroissement des lieux d’hébergement visant manifestement à augmenter le nombre de curistes.
Suite aux travaux réalisés par les familles de Barraute et Presle du Plessis, la station comporte non seulement des établissements dédiés à son activité et sa ressource première thérapeutique – les Bains Vieux, Bains de la Rotonde, les deux buvettes détruites, le cabinet médical -, mais aussi des hébergements collectifs installés dans plusieurs bâtiments – Bains Vieux, hôtel du Mogol, hôtel de la Poste, hôtel du Grand Turc (du Parc), le pavillon Bénard -, des établissements de restauration – notamment au rez-de-chaussée de l’hôtel du Mogol, le restaurant des sources -, ainsi que des hébergements à vocation individuelle appartenant à la typologie des villas de villégiature locative – les trois chalets. A cela, il faut ajouter les lieux de loisirs et de divertissements, plus superficiels et annexes à la vie thermale mais fondamentaux dans les villes d’eaux au 19e siècle, en l’occurrence le parc et le casino-club, sans oublier le lieu de culte, à savoir la chapelle, qui témoigne toujours de l’ambivalence de la vision des eaux thermales entre croyance millénaire et propriétés scientifiques.
L’architecture des lieux illustre en outre la présence des employés, souvent issus du milieu de l’agriculture locale, dont une partie est hébergée dans des logements de fonction à l’écart du domaine au sein de l’ancienne commanderie – qui se compose d’un logement pour abriter des métayers et de corps de bâtiments utilitaires – et des maisons du voiturier et du jardinier. D’autres édifices techniques – transformateur et usine électrique - et utilitaires, tels les magasins d’embouteillage ou les bâtiments détruits – scierie, savonnerie - parachevant le domaine témoignent de son dynamisme économique, de son confort et de la modernité de ses installations à sa grande époque.
La typologie des édifices transparaît clairement à travers leurs projections horizontales qui correspondent systématiquement aux modèles courants étant donné qu’ils sont bâtis spécifiquement pour ses fonctions médicales, hôtelières, utilitaires ou ludiques. Les hébergements collectifs se composent systématiquement d’un plan carré ou rectangulaire sur deux à trois niveaux, avec des espaces communs au rez-de-chaussée, un escalier central et des galeries distributives vers des séries de suites similaires. Les thermes se déploient autour d’un espace de bains, d'où se répartissent des cabines. Les buvettes adoptaient de petites dimensions favorisant le passage plus que la station des curistes. Les chalets locatifs disposent d’espaces plus confortables sur deux niveaux, qui plus est isolés du cœur de l’activité et de la foule. Les bâtiments dédiés au personnel allient un confort spartiate, de petits espaces de logements répartis autour d’un escalier central et deux niveaux au maximum, ainsi que des espaces utilitaires comme la grange à foin, des étables, des écuries ou des hangars. Rarement, cependant, les édifices atteignent plus de deux étages, ce qui distingue Saint-Christau des stations thermales renommées (Eaux-Bonnes, Eaux-Chaudes, Cauterets, Bagnères-de-Bigorre, Luchon etc.), qui laissent libre cours à une architecture relevant de la typologie urbaine, avec des modèles d’immeubles à loyer s’élevant sur au moins trois étages. En particulier, le patrimoine bâti de Saint-Christau, qu’il s’agisse des hôtels ou des bains, a la subtilité de relever plutôt de la maison bourgeoise rurale tout en proposant l’ensemble des prestations attendues au sein d’une ville d’eaux, ce qui justifie, d’ailleurs, son classement en station hydrominérale en 1913. Enfin, les aménagements paysagers, notamment les grandes allées plantées d’arbres, appartiennent aussi au modèle d’aménagement habituel des villes d’eaux.
A son apogée à la fin du 19e siècle, toutes les composantes de la société thermale et de son organisation s’observent donc dans la construction même de la station et la typologie de ses édifices : propriétaires, curistes, corps médical, baigneurs, commerçants, hôteliers, métayers et employés techniques sont réunis temporairement dans l’année autour du projet commun de l’exploitation bénéfique des eaux comme aux Eaux-Chaudes ou Bagnères-de-Bigorre. Sa composition érige Saint-Christau en petit centre urbain voué au thermalisme dans toute sa complexité, prenant en compte aussi bien les fonctions thérapeutiques que les préoccupations mondaines. Mais ses faibles dimensions et son aménagement au sein d’un parc privé la définissent plutôt comme une micro-station thermale, qui partage les préoccupations des acteurs publics spécifiques au thermalisme sans pour autant endosser toutes les responsabilités et les contraintes administratives et politiques d’une communauté publique. Elle est ainsi passée de l’établissement de bains isolé, comprenant deux ou trois bâtiments spartiates et basiques (bains et logements), au statut de véritable station thermale avec sa diversité architecturale et paysagère, qui traduit sa richesse économique et sociale.
Quelques équipements périphériques hors du domaine thermal
Le statut privé de Saint-Christau limite cependant la présence de certains services relevant davantage de l’administration publique, mais son dynamisme rayonne et s’étend également au-delà de ses frontières territoriales. Aussi le bourg de la commune de Lurbe porte-t-il d’une certaine façon l’empreinte de l’activité liée aux sources voisines à travers quelques occurrences de son patrimoine matériel, qui participent pleinement à la vie thermale.
La gare, dont l’arrêt près de Lurbe résulte directement de la présence de l’exploitation des sources, est un équipement constitutif caractéristique des stations thermales, qui émane à la fois d’une volonté de modernisation, de désenclavement et de développement économique des territoires concernés, surtout à partir de la seconde moitié du 19e siècle. Bien que celle de Saint-Christau soit tardive, puisqu’elle date de 1917, elle représente un atout conséquent pour l’activité de la station, l’expérience démontrant que d’autres villes d’eaux dépourvues de cet équipement comme les Eaux-Bonnes ou les Eaux-Chaudes ont fortement été lésées par ce manque après la Première Guerre mondiale.
L’activité thermale exerce en outre son influence au sein du bourg par l’éclosion de quelques pensions, hôtels et auberges profitant à la fois de l’affluence des curistes mais aussi d’une population de manœuvres et d’ouvriers agricoles venus travailler dans le Bager, voire au sein des établissements de bains et des hébergements de la station. C’est en particulier le cas de l’hôtel des Vallées tenu durant plusieurs générations par la famille Théophile et de l’auberge devenue hôtel Au bon coin appartenant longtemps à la famille Lassalat-Laborde, qui tous deux sont stratégiquement implantés sur la voie routière reliant la gare à la station thermale, le premier ayant de surcroît fait office de relais de postes au début du 20e siècle.
La présence de la station, qu’il s’agisse de sa vocation thermale première ou de ses réappropriations particulières au 20e siècle, est par ailleurs perceptible au sein du cimetière de Lurbe, pourtant proportionnel aux petites dimensions de la commune. D’une part, c’est ici parmi les tombes des habitants du village béarnais que se trouvent celles de deux propriétaires de la station de Saint-Christau, en l’occurrence Armand Presle du Plessis décédé en 1917 et sa sœur Renée Presle du Plessis, marquise d’Ozenay, décédée en 1929, tous deux petits-enfants du comte de Barraute et enfants d’Henri Presle du Plessis qui continua la modernisation du site au tournant du 19e siècle et durant la Belle Époque. Les tombes de villégiateurs apparaissent régulièrement dans les cimetières de villes thermales plus importantes, comme à Cauterets – où sont inhumés quelques britanniques ou russes -, à Luchon et à Gavarnie – où reposent de nombreux pyrénéistes ayant péri en montagne – et même aux Eaux-Bonnes – où sont enterrés deux pasteurs protestants décédés lors de leurs cures. Mais la spécificité de Lurbe-Saint-Christau réside dans le fait que le cimetière témoigne de l’occupation, de la reconversion et des périodes marquantes de son histoire ultérieure. A l’entrée du cimetière, contre l’église, se dresse ainsi la tombe du jeune caporal serbe Émile Stanimirovich, recueilli par l’Association nationale française des orphelins de guerre et décédé à Lurbe en 1920 à l’âge de 13 ans. De l’autre côté de l’église, se trouve un carré spécifiquement dédié aux réfugiés basques de la Guerre civile espagnole qui regroupe en cinq tombeaux une dizaine de défunts inhumés entre 1937 et 1940.
Les partis esthétiques, entre modèle vernaculaire et influences éclectiques
En ce qui concerne le style, Saint-Christau se distingue de bon nombre de stations manifestement influencées par l’architecture officielle néoclassique au début du 19e siècle, sans doute de par son statut privé qui laisse au propriétaire le loisir et la liberté d’opter pour le parti-pris esthétique qui lui convient sans autre forme de contrainte administrative ou formelle.
Les édifices construits jusqu’à la mort de Pierre Antoine Joseph de Bois-Juzan (Bains vieux, hôtel de la Poste, hôtel du Mogol, pavillon du docteur Bénard) relèvent ainsi généralement de l’architecture vernaculaire béarnaise tantôt dans sa déclinaison de maison bourgeoise – en raison de sa vocation publique -, tantôt de construction agricole (commanderie, moulin de la cascade, magasins d’embouteillage) en raison de sa vocation exclusivement pratique. Le mode constructif et les matériaux associant moellons, enduit à la chaux et couvertures en ardoises pyrénéennes, illustre ce recours aux savoir-faire locaux. L’hôtel du Grand Turc (du Parc) se distingue non par son style mais par ses proportions généreuses au regard des édifices voisins qui bénéficient pour autant d’une importante capacité d’accueil. Ces constructions se caractérisent en outre par leurs toitures en croupes ou demi-croupes relativement hautes, mais aussi par la présence fréquente – mais pas systématique - de galeries latérales au premier étage qui, aujourd’hui, ont pour la plupart disparu, y compris lorsque l’édifice a subsisté à l’instar de l’hôtel de la Poste. Ces loggias au caractère pittoresque, renvoyant au patrimoine ancestral de ces régions alors reculées, étaient fort appréciées par la clientèle thermale et relèvent dans le même temps d’une question de continuité historique et de préoccupations économiques. Saint-Christau est d’ailleurs dénué de ces concentrations d’immeubles de rapport avec façades étroites en gouttereau si répandues dans les stations de la Route Thermale de Napoléon III. Hormis dans le cas de l’établissement de la Rotonde, dont l’édifice primitif se distingue et signale son caractère thermal par son dôme central et son plan circulaire se référant à un style néo-Renaissance épuré, peu de risque sont donc pris dans la construction de ces premiers édifices, où prédomine avant tout la fonction utilitaire et où le commanditaire opte naturellement pour le savoir-faire local. L’austérité et le dépouillement de ces bâtiments contrastent profondément avec la seconde vague de construction de la station, qui puise dans le répertoire historiciste, qu’il provienne de références régionales, antiques, médiévales ou exogènes.
Les partis-pris sont en effet sensiblement différents à compter du Second Empire, ce qui s’explique également par l’influence de la vogue de l’éclectisme, particulièrement répandue dans les grands centres urbains et les stations de villégiature balnéaires et thermales. La comtesse et le comte de Barraute n’hésitent pas à faire appel à des formes plus riches, mais toujours conformes aux modes architecturales de leur époque. Ainsi le cabinet médical originel, la buvette sulfureuse, le pavillon des Cinq Canettes, le restaurant des Sources, le casino-club primitif, l’agrandissement de la commanderie ainsi que les trois chalets locatifs puisent manifestement leur inspiration dans les chalets helvétiques en vogue dans les stations thermales, comme l’illustrent leurs façades asymétriques, leurs jeux de toitures, les avant-corps de leurs galeries (pour les édifices à étages) et les matériaux employés mêlant le bois et la brique dans des murs de parement aux complexes compositions géométriques. Ces formes confèrent aux édifices une forte dimension pittoresque, nourrissant l’imaginaire et le regard de la clientèle urbaine sur le patrimoine et la population rurale. Cette vision de l’histoire est renforcée par la composition de la fontaine des Cinq Canettes, qui associe un bestiaire sculpté en pierre et deux colonnes à l’antique, rappelant l’hellénisme tant à la mode dans l’imaginaire romantique du Premier Empire à la Monarchie de Juillet.
L’évasion onirique appréciée dans la seconde moitié du 19e siècle est également favorisée par les inspirations exotiques, notamment orientales, présentes quoique plus timidement, comme dans les stations thermales qui se développent entre le Second Empire et la Troisième République. La construction orientaliste emblématique, aujourd’hui disparue, en était l’extension des Bains de la Rotonde, qui consistait en un avant-corps central et deux ailes relevant manifestement du style néo-mauresque à la mode, et de ses références convenues à l’Alhambra de Grenade. Néanmoins, certains espaces intérieurs, uniquement connus par des lithographies et des cartes postales publicitaires, témoignent du goût pour les ambiances végétales exotiques avec l’association de la roche naturelle et de diverses essences de palmier (notamment de chamérops) disposées tout autour des résurgences. Ainsi composait-on une atmosphère propice au délassement, à l’évasion et donc au divertissement et au soin du corps et de l’âme.
Exceptés ces témoignages éparses, il est toutefois difficile de présager de l’ensemble des décors intérieurs ornant les édifices, vernaculaires ou éclectiques, en raison de leurs maints remaniements depuis le début du 20e siècle. Seuls ont subsisté les murs en pierres apparentes des rez-de-chaussée de l’hôtel de la Poste et de l’hôtel du Parc, ainsi que deux linteaux sculptés en calcaire gris pyrénéen, l’un situé au-dessus de la porte d’entrée latérale de l’hôtel du Parc, l’autre provenant de la démolition ou de la non exécution d’un édifice qui est installé sur le mur de la fontaine des Cinq Canettes et arbore les monogrammes de Pierre Antoine Joseph de Bois-Juzan et une croix basque. D’après les inventaires élaborés au 20e siècle par Jules puis Fernand Noutary, les édifices étaient décorés de façon assez neutre et simple, sans riche ornement, avec des badigeons de peinture, des papiers peints et des parquets en bois. Seul l’hôtel du Mogol semblait revêtir des décors plus élaborés avec sa salle des Mousquetaires, où se trouvaient des céramiques murales représentant les chevaliers de Louis XIII remis au goût du jour par Alexandre Dumas, et sa salle de restaurant basque commandée par Bois-Juzan, qui rassemblait un mobilier régionaliste. Plus précisément, l’inventaire des biens dressé lors de la succession de Bois-Juzan, donnant en outre une idée des objets que pouvaient contenir certains édifices, révèle que sa résidence, vraisemblablement au sein de l’hôtel de la Poste, était agrémentée de quantités de tableaux représentant des portraits des philosophes des Lumières et autres grandes figures romantiques, qui dialoguaient littéralement avec sa bibliothèque, également méticuleusement recensée.
D’autre part, la chapelle, rénovée en 1986, conserve quelques éléments donnant une idée de ce que fut le décor originel de ce lieu de culte, ce qu’illustrent l’autel polychrome, le confessionnal et ses dix verrières dont six historiées. Plus globalement, si la chapelle primitive, dont l’implantation se trouve à proximité, adoptait le style néogothique conventionnel au 19e siècle, le nouvel édifice de culte est globalement reconstruit selon un parti-pris plus dépouillé et habituel de l’architecture diocésaine rurale du Béarn, bien que ses façades, ses sols et ses revêtements aient été modifiés en 1986. Comme la chapelle, la plupart des bâtiments portent désormais l’empreinte des rénovations du 20e siècle, les dernières en date ayant été effectuées entre les 1970 et 2000, ce que démontrent les extensions postérieures des hôtels du Mogol et de la Poste, les rénovations intérieures des trois chalets, les modifications des Bains de la Rotonde avec la disparition du pavillon néo-mauresque au profit d’une galerie couverte, et celles du cabinet médical avec son crépi et la transformation de sa toiture ou encore celles du casino dont la façade donnant sur le plan d’eau est percée de baies aux encadrements modernistes des années 1970.
Maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage
Les propriétaires et les mécènes
Depuis la fin du Moyen Âge, les propriétaires successifs, qui tous ont marqué le domaine de leur empreinte, sont systématiquement identifiables. Hormis la communauté religieuse de Sainte-Christine du Somport, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, ils sont issus des élites aristocratiques originaires de la région mais en relation avec leurs homologues internationaux.
Le premier propriétaire privé, Jean d’Arbusio, est probablement originaire de la commune béarnaise d’Arbus. Simon de Lassalle et ses descendants viennent de Gurmençon et de Monein, communes situées à quelques kilomètres. A partir du 18e siècle, les propriétaires ont systématiquement un lien fort avec la péninsule ibérique. Roch de Bousquet s’y réfugie durant la Révolution de 1789 et il demeure négociant à Cadix sous l’Empire. Pierre Antoine Joseph de Bois-Juzan, originaire d’Oloron et qui laisse ses monogrammes sur une pierre sculptée du domaine, est marié mais séparé de corps avec une noble espagnole nommée Françoise Frasquita Perraga. Sa fille Julie Adélaïde, qui a épousé un notable biscayen nommé Pic de Lhano (Llano), est installée à Bilbao.
Ces notables locaux sont suivis par la famille de Barraute qui déploie son influence par ses nombreuses alliances avec l’étranger. La comtesse de Barraute, Marie Encarnación Armada, qui acquiert la station en 1846, provient de la famille Santa-Cruz du versant sud des Pyrénées. Son époux, Jean Armand de Barraute mort en 1838, était d’ailleurs capitaine des gardes wallonnes pour le Roi d’Espagne. L’épouse de son fils Jean Armand, initiateur de nombreux travaux à Saint-Christau, se nomme Maria Maravillas d’Elio Ezpeleta. Originaire de Pampelune, où son mariage a eu lieu en 1835, elle a pour frère le général d’Elio, fermement engagé en tant que carliste. Aussi n’est-il pas étonnant que Saint-Christau fasse office de refuge pour les exilés ibériques suite à la seconde guerre carliste de 1868. Ce lien avec la Navarre et l’Espagne transparaît régulièrement à travers les prénoms des descendants. La sœur de Jean Armand de Barraute, nommée Marie Encarnación comme sa grand-mère, s’allie quant à elle à un illustre officier russe, Alexandre de Moller, commandant en chef des armées de Sibérie orientale et filleul de l’empereur Alexandre Ier. De même, le vicomte Louis de Barraute, fils de Jean Armand, épouse une jeune aristocrate russe, Catalina de Krassowski, fille d’un capitaine de la garde de l'empereur de Russie et maréchal de la noblesse du gouvernement de Kiev.
Les alliances se poursuivent ainsi jusqu’à la vente de la station après la Seconde Guerre mondiale : avec la famille Presle du Plessis, originaire de la région parisienne, ou encore la famille d’Ozenay, venant de Bourgogne.
La vente à la Société Thermale de Saint-Christau en 1951 ouvre cette filiation de l’ancienne noblesse vers les élites bourgeoises de province qui composent son conseil d’administration, en particulier des gérants de société et des hommes d’affaire tels que Jean Paul Mialhe, propriétaire de laboratoires pharmaceutiques partie prenante d’autres stations thermales comme Molitg-les-Bains. Mais surtout, dès lors, la maîtrise d’ouvrage ne relève plus d’individus mais de personnes morales, constituée autour d’une assemblée générale, ce qui implique un fonctionnement et un circuit de décision différents des siècles précédents où le propriétaire était en quelque sorte omnipotent sur son territoire. Après la Société Thermale de Saint-Christau, la Chaîne Thermale du Soleil, en location-gérance puis en tant que propriétaire à partir de 1964, est pour sa part une entreprise familiale, ayant à la fois des préoccupations économiques et le souci de la transmission d’un patrimoine familial.
Ces propriétaires, particulièrement à partir du 18e siècle, ont été souvent dynamiques et impliqués pour pérenniser l’activité thermale de Saint-Christau. Malgré la croyance réductrice que son succès au 19e siècle soit dû au comte de Barraute, il apparaît que la réalité est plus nuancée, comme l’illustrent les deux tableaux de répartition des constructions par propriétaire. En réalité, la physionomie de la station est globalement due à trois propriétaires, Bois-Juzan, Barraute et Presle du Plessis, qui endossent environ un tiers chacun des constructions du domaine. L’idée d’exploiter les bains germe au 17e siècle dans l’esprit du frère naturel de Simon de Lassalle, puis elle commence à être concrétisée par Roch de Bousquet qui construit les deux premiers bâtiments de logements et de thermes. C’est ensuite Pierre Antoine Joseph de Bois-Juzan qui impulse une première grande phase de construction, suivie une quinzaine d’années plus tard par la comtesse de Barraute, veuve, puis finalement par son fils Jean-Armand, qui tous deux, en effet, commandent la construction de dix édifices. Leurs descendants poursuivent cette dynamique jusqu’à l’entre-deux-guerres, mais la gestion artisanale et familiale laisse place à une véritable gestion d’entreprise après la Seconde Guerre mondiale.
En ce qui concerne les mécènes, seules les verrières de la chapelle donnent des indications sur l’origine sociale des usagers et, surtout, des bienfaiteurs de la station, issus de l’ancienne noblesse, du monde politique et du milieu des affaires. Les cinq vitraux historiés sont effet offerts par des personnalités illustres, les propriétaires eux-mêmes ou leurs proches : le vitrail principal de Sainte-Christine (baie 0) est donné par le vicomte Louis de Barraute et le docteur Bénard ; celui avec le monogramme T.A. est offert par une dénommée Madame Jonnart, qui désigne sans doute l’épouse du député du Nord et gouverneur de l’Algérie Charles Jonnart ayant eu des problèmes de santé à partir de 1901 ; celui comportant le monogramme JHS est quant à lui un don de la comtesse de Rostang, mécène et philanthrope proche des milieux politiques ; le vitrail de l’Immaculée Conception est offert par le comte et la comtesse Armand de Barraute, frère aîné de Louis ; le vitrail de l’apparition de la Vierge est un présent d’une certaine famille Goldberg.
Commanditaire | Datation des chantiers | Édifices bâtis | Édifices remaniés | Commentaires |
Gaston IV le Croisé | 12e siècle | Prieuré (hypothèse) Commanderie | Prieuré disparu dès la Renaissance Commanderie remaniée à différentes reprises | |
Simon de Lassalle et ses descendants | 1680-1763 | Aménagements des sources : cuves à la source des Dartres, abri au-dessus de la source des Fièvres Premier bâtiment de logements des baigneurs | Disparus à la fin du 18e siècle Bâtiment des baigneurs agrandi à la fin du 18e siècle | |
Roch de Bousquet | 1763-1789 | Hôtel de la Poste Bâtiment primitif de la Rotonde Bains Vieux | ||
Pierre Antoine Joseph de Bois-Juzan | 1835-1837 | Bains de la Rotonde Hôtel du Grand Turc (Parc) Hôtel du Mogol Aménagement du parc Démolis ultérieurement : Première chapelle Deux bâtiments entre les Bains vieux et l’hôtel du Mogol | Édifices et aménagements remaniés à plusieurs reprises entre 1849 et après 1945 Deux bâtiments remplacés par le pavillon Bénard et un garage-théâtre | |
Famille de Barraute | 1849-1850 | Chalet Marguerite Chalet Bleu Chalet Rose Maison du voiturier Moulin de la Cascade Cabinet médical de la Rotonde Démolis ultérieurement: Pavillon Bénard Maison du jardinier Pavillon des Cinq Canettes Buvette sulfureuse | Bains de la Rotonde Parc Commanderie | La plupart remaniés entre 1960 et 2018 (hormis ceux démolis) Commanderie partiellement en ruines |
Maria et Henri Presle du Plessis | 1890-1098 | Chapelle Casino Magasins d’embouteillage Restaurant des Sources Démolis ultérieurement: Nouvelle buvette Savonnerie Scierie Garage-théâtre | Désaffectés: casino, magasins d'embouteillage et restaurant des sources Chapelle en service | |
Renée et Charles d'Ozenay | 1920-1939 | Magasins d'embouteillage | Bains de la Rotonde Hôtel du Mogol Hôtel de la Poste Démolis ultérieurement: Bains Vieux (extension) Pavillon Bénard | |
Cohéritiers d'Ozenay et Société Thermale de Saint-Christau | 1939-1964 | Hôtel de la Poste Hôtel du Grand Turc (du Parc) Hôtel du Mogol Casino Démolis ultérieurement: Garage Pavillon Bénard Bains vieux | Trois hôtels encore exploités (même partiellement) | |
Chaîne Thermale du Soleil | 1964-... | Terrain de tennis Piscine | Bains de la Rotonde Hôtel de la Poste Hôtel du Grand Turc (du Parc) Casino Chalet Bleu Chalet Rose Chalet Marguerite | Bains de la Rotonde fermés Hôtels et chalet Marguerite encore exploités Chalets Bleu et Rose, et casino désaffectés |
Du milieu local du bâtiment aux grandes firmes nationales
Du statut de propriété privée de la station, découlent des conditions spécifiques de construction, sans contrôle de l’État. A chaque époque, le propriétaire jouit donc d’une grande liberté pour conduire les travaux et le développement de son domaine, mais, en contrepartie, la documentation habituellement archivée dans le cadre de procédures et de suivis de chantiers publics comme pour les sources communales (Eaux-Bonnes, Eaux-Chaudes, Bagnères-de-Bigorre, Cauterets etc.) fait défaut concernant Saint-Christau, car aucun fonds privé évoquant les constructions du 18e et du 19e siècle n’a pu être localisé à ce jour.
C’est pourquoi la plupart des maîtres d’œuvre sont inconnus jusqu’au début du 20e siècle. Il s’agit probablement d’entrepreneurs locaux provenant d’Oloron et de la vallée d’Aspe pour d’évidentes questions de proximité et, par conséquent, d’économie, ce dont attestent les procédés constructifs puisant dans la tradition vernaculaire et les matériaux locaux. Toutefois, il semble que l’architecte Jean Latapie, auteur des établissements thermaux des Eaux-Bonnes et des Eaux-Chaudes, ait proposé vers 1850 un plan de reconstruction non exécuté pour les bains de la Rotonde en collaboration avec l’ingénieur Jules François qui intervient alors dans l’ensemble des villes d’eaux françaises. Les sources de Saint-Christau sont donc bien connues des autorités publiques mais le propriétaire privé a pu se permettre de décliner leur proposition et de se tourner vers d’autres interlocuteurs.
Les architectes et les artisans sont revanche plus identifiables à partir de la Belle Époque. Ainsi les verrières de la chapelle sont-elles réalisées par plusieurs maîtres-verriers de renommée nationale voire internationale dans les années 1900 et durant l’entre-deux-guerres : Ernest Haussaire installé à Reims et Paris est l’auteur des trois verrières de l’abside ; la société Mauméjean établie entre Hendaye et Paris, particulièrement prolifique dans les Pyrénées-Atlantiques dont elle est originaire, mais aussi à travers la France, l’Espagne et l’Amérique du sud, réalise les vitraux historiés de la nef illustrant l’Immaculée Conception et l’apparition de la Vierge à Bernadette Soubirou en deux commandes bien distinctes (dont l’une datée de 1930).
Par la suite, les interventions du 20e siècle sont en revanche mieux renseignées que les chantiers d’origine car les réquisitions de la station comme hôpital complémentaire et site occupé durant les deux guerres mondiales et la Guerre civile espagnole conduisent à son intégration dans des procédures officielles permettant de générer et de conserver des archives. Ainsi le cabinet Noutary, influent maître d’œuvre palois de la première moitié du 20e siècle, dresse-t-il les états des lieux et les inventaires de dégradations après la Première Guerre mondiale (par Jules Noutary), puis la Seconde Guerre mondiale (par Fernand Noutary). Confirmation est donnée par leurs dossiers que les artisans sont issus du milieu local de la construction, principalement d’Oloron, d’Eysus et d’Arudy : entre autres, l’entrepreneur de travaux oloronnais Loustauneau, le peintre et vitrier Pierre Bergès, l’entrepreneur et poseur de papiers peints Loustalet, le serrurier Laplace, le charpentier Biu, le chauffagiste Capdepon ou encore le plâtrier Handy.
Les copies de plans dressées par les deux architectes informent dans le même temps sur les remaniements réalisés à l’initiative de Renée Presle du Plessis et son époux Philibert d’Ozenay dans les années 1920 (et avant le décès de celle-ci en 1929) par l’architecte parisien Albert Grenier, formé à l’École des Beaux-arts. Dès lors, les quelques maîtres d’œuvre connus démontrent que les propriétaires au 20e siècle étaient suffisamment prospères pour faire appel à des entreprises reconnues au niveau national et même international.
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
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Référence du dossier |
IA64002723 |
Dossier réalisé par |
Delpech Viviane
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Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Pyrénées-Atlantiques |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2018 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour |
Citer ce contenu |
Station thermale de Saint-Christau, Dossier réalisé par Delpech Viviane, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Université de Pau et des Pays de l'Adour, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/531e4092-7938-4c95-9393-ab5445f78eaa |
Titre courant |
Station thermale de Saint-Christau |
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Dénomination |
station thermale |
Statut |
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Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Pyrénées-Atlantiques , Lurbe-Saint-Christau , Route de Saint-Christau
Milieu d'implantation: isolé
Lieu-dit/quartier: Saint-Christau
Cadastre: 2018