Les phares et signaux de l'estuaire de la Gironde
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Publiée le 07 décembre 2022
# Gironde
# Communes riveraines de l'estuaire de la Gironde
# Génie civil, phare
# Du 16e au 21esiècle
Avec ses eaux fluctuant selon les marées, ses bancs de sable et ses amas d’alluvions, la Gironde a toujours nécessité une grande vigilance de la part des navigateurs. L’embouchure de l’estuaire, au large de la pointe de Grave, est une zone de turbulences particulièrement périlleuse soumise à de très forts courants, où les bateaux peuvent échouer sur les nombreux bancs de sables autour de l’île de Cordouan. Dès 1088, un oratoire y a été aménagé, gardé par des moines chargés de sonner la cloche et d’allumer un feu pour signaler le danger aux marins.
En 1360, tandis que la Guyenne était sous domination anglaise, le Prince Noir Edouard de Woodstock a fait construire à Cordouan une tour de 16 mètres de haut, avec une chapelle dédiée à la Vierge. De forme polygonale, elle se terminait par une plateforme sur laquelle des ermites entretenaient un feu. Mais les assauts des vagues et du vent n’ont pas tardé à la réduire en ruine. En 1580 elle était en si mauvais état qu’on n’y allumait plus de feu, ce qui provoquait de nombreux naufrages. Le roi de France Henri III a donc ordonné qu’on la remplace par un nouveau phare, pour sécuriser le transport de marchandises entre Bordeaux et l’océan, notamment pour l’export de vin sur lequel se fondait l’économie bordelaise. Il a nommé l’architecte Louis de Foix pour mener cet important projet, rapidement interrompu par les guerres de Religion. Le chantier a repris en 1594, cinq ans après l’assassinat d’Henri III. La chapelle du phare a été érigée à la gloire du défunt et du nouveau roi Henri IV, tout juste converti au catholicisme, ce qui fait de Cordouan un monument éminemment politique. Les travaux n’ont été terminés qu’en 1611, soit 31 ans après l’ordre initial de construction.
En complément du phare, de nouvelles installations sont venues indiquer l’emplacement des dangers sur l’estuaire et son embouchure. Des barils flottants étaient ponctuellement utilisés comme balises. En 1698, une première pyramide en bois a été érigée à la pointe de la Coubre pour signaler l’extrémité nord de l’estuaire. Rapidement détruite par la force des éléments qui se déchaînent à cet endroit, elle a été remplacée par une tour en bois en 1745, puis une tour en pierre 40 ans plus tard.
A partir de 1700, les efforts se sont intensifiés pour faciliter la navigation. Des cartes plus précises ont été réalisées, sur lesquelles étaient dessinés les différents repères du paysage visibles depuis les bateaux, comme les pointes, les falaises, les dunes, les bosquets, mais aussi les moulins à vents, ou les clochers des églises qui servaient d’amers. Ces derniers ont parfois été surélevés pour être vus de plus loin, notamment celui de Saint Palais. Ce petit clocher roman a été rehaussé au 17e siècle par une tour de 2 niveaux, surmontée d’une flèche en charpente de 16 mètres de haut, aujourd’hui disparue. Il était autrefois peint en noir et blanc pour mieux se détacher dans le paysage.
D’autres tours en bois, balises et signaux satellites de Cordouan ont été créés dans la 2ème moitié du 18e siècle. A Saint Palais la tour en pierre de Terre Nègre a été bâtie en 1770 et équipée d’une lanterne lumineuse à partir de 1838. Améliorée au fil du temps, elle est devenue un phare à part entière, toujours en service de nos jours. Ce dessin de 1798 montre la pointe de la Coubre équipée d’un phare en pierre et de 3 balises en bois. Joseph Teulère, l’ingénieur qui a fait ce relevé, a consacré sa vie à étudier et améliorer les conditions de navigation sur la Gironde. C’est également lui qui a mené les nouveaux travaux sur le phare de Cordouan en 1788 et 89. En conservant la chapelle et les niveaux inférieurs, il a surélevé la construction de 20 mètres pour accroître sa visibilité. La silhouette du bâtiment a totalement changé pour prendre la forme élancée que nous lui connaissons aujourd’hui. Teulère a aussi installé dans la nouvelle lanterne des réflecteurs paraboliques qui ont augmenté le diamètre et la portée des rayons lumineux produits par les lampes à huile.
En 1823, l’ingénieur Augustin Fresnel a expérimenté à Cordouan sa nouvelle invention, la lentille à échelon, qui permet de multiplier par 3 l’intensité de la lumière diffusée. Ce procédé révolutionnaire, généralisé par la suite à tous les phares, est toujours utilisé de nos jours. A partir de 1800 est apparue l’ambition de créer au niveau national un réseau de phares pour sécuriser toutes les côtes de France. Sur la Gironde, cela s’est manifesté notamment par la construction du phare de la Pointe de Grave, plusieurs fois détruit par l’érosion avant d’être reconstruit de manière définitive en 1859. La même difficulté se posait à la pointe de la Coubre, très exposée au déchainement des éléments. Les phares s’y succédaient sans parvenir à durer plus de 50 ans. En 1860, il s’agissait d’une pyramide en charpente de bois de 28 mètres de haut, surmontée d’une lanterne, qui reprenait le modèle construit à Royan 4 ans plus tôt.
Suite à une expérience menée en 1845 sur un bateau fixe mouillé sur le banc de Talais, des phares flottants ont été utilisés à By et Mapon, puis au large de La Coubre. En 1870 est apparue une innovation architecturale sous la forme de tours métalliques étayées de 3 poteaux. L’une d’elles, de 31 mètres de haut, a été installée sur la rive gauche au lieu-dit Richard, pour signaler un banc de sable. A partir de 1882, certains phares ont été équipés d’un système électrique.
A La Coubre, un phare en pierre et ciment a été construit sur une base de pilotis en 1895. Mais trop près de la plage, il a rapidement été sapé par les vagues, avant d’être totalement englouti en 1907. C’est la raison pour laquelle l’actuel phare de la Coubre a été bâti en 1905 plus en retrait de la côte, dans une zone alors insubmersible. Conçu pour durer, il est composé d’anneaux en béton armé, avec une forme cylindrique légèrement évasée en trompette. Les parois intérieures de son fût sont entièrement carrelées en opaline. Mais en un siècle, le recul du trait de côte a été important et l’océan se rapproche de plus en plus du phare.
En 1901, la tour maçonnée de Trompeloup a été mise en service sur un banc de sable au cœur de l’estuaire, pour remplacer le feu flottant de Mapon et créer un alignement avec le phare de l’île voisine de Patiras. Ils ont depuis été tous les deux désaffectés, tout comme le phare de Vallières, à Saint-Georges-de-Didonne, qui date aussi de 1901. De plan carré, il est construit en pierre de taille calcaire de belle qualité qui porte encore des traces d’éclats d’obus de la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, plusieurs phares de l’estuaire, qu’ils soient encore en service ou éteints, sont protégés en tant que Monuments Historiques, témoins de l’histoire du territoire. Le plus ancien et plus beau de tous, Cordouan, le roi des phares, est désormais inscrit au Patrimoine Mondial de l’Unesco.
Plus d'informations pour visiter
- le Phare de Cordouan : phare-de-cordouan.fr
- le Phare de la Coubre : Site Officiel du Phare de La Coubre
- le phare de Vallières : Royan Atlantique
- le phare de Patiras : Le refuge de Patiras
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