Peintures XVe siècle du chœur : Scènes de la Passion, Jugement dernier

France > Nouvelle-Aquitaine > Landes > Laluque

Ces peintures inédites ont été redécouvertes sur le mur de l'hémicycle du chœur à l'occasion de la restauration du décor intérieur de l'église en 2007 par l'agence Architecture Patrimoine du Bouscat (Gironde). Elles étaient cependant connues de longue date, car le procès-verbal de la visite pastorale de l'évêque de Dax Suarez d'Aulan en juillet 1739 les mentionne déjà ("voûte du sanctuaire de pierre fort bonne et peinte d'ornemen[t]s, figures gothiques"). Le curé Pierre Lartigau les évoque à son tour dans son registre paroissial (1853-1882) en apportant plusieurs précisions : "Ces peintures du 15ème siècle [...] représentaient la passion de Notre Seigneur entre les croisées avec la pendaison de Judas. Il y avait 16 tableaux qui ont été écrasés, dénaturés et détruits en 1793. Ils ont été découverts en gratant (sic) les murs en 1873. La pendaison de Judas, l'arbre et Jésus devant Pilate se lavant les mains, étaient bien conservés, mais les autres étaient tellement détériorés qu'il a été impossible de les réparer. Tout avait été mutilé, et même tout avait à peu près disparu." Ces détails s'avèrent exacts, mais incomplets, l'abbé ne parlant pas des scènes du Paradis et de l'Enfer qui surmontent les seize épisodes de la Passion, ni du probable Jugement dernier ou Déisis qui devait occuper le cul-de-four de l'abside - les peintres Dagrand et Courtignon, chargés en 1873 de peindre un nouveau décor à cet emplacement, avaient cru reconnaître dans les quelques fragments subsistants la figuration du "Dôme de Sainte-Sophie de Constantinople", sans doute une interprétation fantaisiste de la Jérusalem céleste.

En 1873, la fabrique décida de ne pas faire restaurer ces fragments, jugés dans un état trop dégradé, et de les recouvrir par un nouveau décor. Lors de la restauration de 2007, au contraire, le parti a été pris de dégager l'essentiel des peintures gothiques retrouvées sur le mur de l'hémicycle, en supprimant de ce fait la plus grande partie du décor mural de 1873. Ce choix, évident eu égard à l'importance de la découverte, a toutefois entraîné une discordance visuelle marquée et la rupture de l'unité décorative recherchée au XIXe siècle, dont la restauration a par ailleurs révélé le grand intérêt.

Le décor médiéval peut être daté de la seconde moitié du XVe siècle grâce à la typologie des figures (sans doute inspirées de xylographies), aux costumes (comme les chaussures à la poulaine du serviteur de Pilate, le pourpoint et le chapeau du cavalier, la robe de sa compagne ou les armures des soldats dans l'Arrestation) et à l'épigraphie.

Périodes

Principale : 2e moitié 15e siècle

Les parties conservées du décor, peut-être peint à fresque ou à la détrempe, couvrent le mur en hémicycle du chœur au-dessus du lambris de revêtement, sur les trumeaux entre les fenêtres. Les peintures comme l'attestent les textes des XVIIIe et XIXe siècles ainsi que les figures tronquées de l'Enfer et du Paradis, se prolongeaient au moins sur le cul-de-four de l'abside. Les pigments, en nombre réduit, sont le noir (pour tous les fonds et pour le tracé des contours), le blanc (pour les carnations), l'ocre jaune (pour la plupart des costumes et accessoires) et l'ocre rouge (pour quelques détails de chevelures).

Catégories

peinture murale

Matériaux
  1. Matériau principal : enduit

    Mise en oeuvre : support

    Techniques : fresque

Iconographie
  1. Caractère général : cycle narratif

    Thèmes : Passion, Arrestation du Christ, Jésus devant Caïphe, Jésus devant Pilate, Flagellation du Christ, Montée au Calvaire, pendaison, Judas apôtre

  2. Caractère général : cycle narratif

    Thèmes : Jugement dernier, Elu, Paradis, Damné, Enfer, ange, démon biblique

  3. Caractère général : ornementation

    Thèmes : claire-voie, chevron, onde


Précision sur l'iconographie :

Les scènes constituant le cycle de la Passion, originellement au nombre de seize, sont disposées, à raison de quatre par trumeau d'entre-fenêtres, sur deux registres séparés par des bandeaux portant des légendes en gothique textura ou, pour l'un d'entre eux, un motif ondé ; les bandes verticales séparant les scènes d'un même registre sont ornées de chevrons ou rubans pliés de couleur noire. Le registre inférieur surmonte un décor ornemental en trompe-l'œil de claire-voie aux épais montants et traverses biseautés, mis en perspective, ombrés et se détachant sur un fond rouge brique (décor peut-être postérieur aux scènes de la Passion).

Parmi les scènes de la Passion, cinq conservent suffisamment d'éléments figurés pour être identifiables ; pour trois autres, réduites à quelques fragments peu significatifs, l'identification est hypothétique ou impossible. Lecture du nord vers le sud, de haut en bas pour chaque travée. Travée nord-ouest : 1 et 2) deux scènes détruites ; 3) un vieillard barbu et mitré, assis dans un trône ocre à haut dossier, accosté d'un personnage glabre (soldat ?) tenant une hallebarde (Comparution du Christ devant Caïphe ? Le vieillard semble écarter des deux mains les pans de son vêtement) ; 4) un homme en pourpoint et chaperon, un oiseau au poing (chasse au faucon ?), chevauchant un cheval blanc et portant en croupe une femme en robe et coiffe ocres, à l'orée d'une forêt (scène non identifiée, hors du cycle de la Passion ?). Travée tournante nord-est : 5) une troupe de soldats en armure, portant piques, lances, masses et étendard (l'arrestation du Christ ?) ; 6) scène détruite ; 7) la comparution du Christ devant Pilate (Jésus, mains liées et maintenu par un soldat, comparaît devant Pilate debout en houppelande ocre, une escarcelle au côté et chapeau en tête, tendant ses mains vers un jeune serviteur qui lui verse de l'eau dans un bassin ; un soldat en armes derrière Pilate) ; 8) scène presque entièrement détruite, à droite la silhouette d'un arbre aux branches dénudées avec une corde accrochée à une branche basse (probablement la pendaison de Judas, l'une des trois scènes identifiées en 1873). Travée tournante sud-est : 9) la Flagellation du Christ (Jésus, pieds et mains liés, adossé à une colonne à chapiteau, fouetté par deux bourreaux vêtus et chapeautés d'ocre) ; 10) scène presque entièrement détruite, non identifiée ; 11) scène détruite aux deux tiers, à droite un groupe de soldats en armes, piques ou lances au poing, se dirigeant vers la droite (certainement la Montée au Calvaire) ; 12) scène entièrement détruite. Travée sud-ouest : 13 à 16) quatre scènes détruites. Les scènes aujourd'hui disparues de la travée nord-ouest devaient comporter la Cène et l'Agonie au jardin ; celles de la travée nord-est, peut-être la comparution devant Hérode ; celles de la travée sud-est, sans doute le Couronnement d'épines et / ou la Présentation au peuple ; celles de la travée sud-ouest, la Crucifixion, la Déploration, la Mise au tombeau et peut-être la Descente aux limbes ou la Résurrection.

Au registre supérieur du mur, au niveau des travées tournantes nord-est et sud-est, subsistent deux importants fragments d'un Jugement dernier dont les figures principales, le Christ, la Vierge et saint Jean-Baptiste (la Déisis), devaient occuper le cul-de-four de l'abside. En l'état actuel du dégagement des peintures anciennes, sont visibles deux groupes principaux, aux figures disposées sur deux plans, celles du registre supérieur tronquées par le bandeau décoratif de 1873 qui règne sur le mur. Au nord (à dextre, place d'honneur) est représenté un petit groupe d'Élus masculins et féminins, nus, que des anges en aube ocre jaune conduisent au Paradis. Au sud (à senestre, place néfaste), deux Damnés nus (sans doute un homme et une femme, peut-être des luxurieux), étendus au sol et liés ensemble par des cordes épaisses, sont traînés en Enfer par un démon cornu aux ailes de chauve-souris et aux pieds palmés ; de part et d'autre, d'autres démons ricanants, brandissant des verges.

Inscriptions et marques
  • inscription concernant l'iconographie, français, peint, illisible, lecture incertaine

Légendes en français inscrites en gothique textura au-dessus de chaque scène sur les bandeaux séparant les différents registres. La quasi-totalité est aujourd'hui illisible. On distingue seulement (lecture hypothétique) : ...us ihs dimant h... [sous Jésus devant Caïphe ?] ; ...u ...bro a Pilat... [au-dessus de l'Arrestation du Christ] ; ...or Anhme (?) les mab... [au dessus de la Comparution devant Pilate] ; ...la cellat au... [au-dessus de la Flagellation].

État de conservation
  • oeuvre incomplète
  • fragment
  • oeuvre restaurée

Les peintures ne sont que partiellement conservées. Elles présentent de larges lacunes en partie basse et sur les retours du mur au nord et au sud, où le choix a été fait d'interrompre leur dégagement. Six ou sept des scènes de la Passion, qui en comptait seize, sont lisibles en tout ou partie, ainsi que le registre inférieur du Paradis et de l'Enfer. La restauration a consisté, outre le dégagement, en une simple consolidation des pigments.

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Landes , Laluque

Milieu d'implantation: en village

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