Maison
France > Nouvelle-Aquitaine > Gironde > Saint-Émilion
Historique
Par ses dispositions sans équivalent en ville, cet édifice, un des plus vastes de la période romane, constitue une exception. Il fait pendant, au sud de l'actuelle place Cap de Pont, à une autre demeure majeure contemporaine dite la "Commanderie". Ces deux édifices ont la même particularité d'être assis sur une importante rupture de pente qui explique l'aspect monumental de leur façade arrière, tournée vers la ville basse, augmentée d'environ 5 m de haut par un soubassement, invisible du côté de la rue principale puisque souterrain. Ce faciès est commun à toutes les constructions de ce côté de la rue, imposé par la configuration naturelle du site.
Le long de la rue de la Porte Brunet, plusieurs suites continues d'arcades et de portes rappellent la fonction commerçante de cet axe majeur de la ville, avant que le couvent des Cordeliers ne confisque une partie de ce quartier lors de son repli intra-muros, au milieu du 14e siècle.
Les nombreux remaniements qui se sont succédé ont fini par rendre presque invisibles les vestiges médiévaux qui sont pourtant nombreux, tant en façades qu’à l’intérieur. Seule une étude archéologique approfondie avec des relevés pierre à pierre des élévations a permis de les révéler et de restituer les grandes lignes des volumes de ce bâtiment atypique. En effet, par ses dimensions imposantes et surtout du fait de son organisation, cet édifice roman ne répond que très imparfaitement à un programme résidentiel privé. Au regard du rez-de-chaussée divisé en espaces commerciaux côté rue et de logements à l’arrière, associé à de vastes espaces de stockage au niveau du soubassement, ce bâtiment évoque plutôt des édifices mixtes à même d’héberger des commerçants ambulants et d’offrir à ces derniers des espaces de vente et de stockage à l’occasion des grandes foires annuelles (tels les "maisons de foire" de Provins ou le "cuvier du Chapitre" à Cahors, comme signalé par le spécialiste de l'architecture civile médiévale Pierre Garrigou Grandchamp dans les Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France en 2002).
A noter enfin les similitudes entre le rez-de-chaussée de ce bâtiment côté ville basse et l’enceinte basse de la Tour du Roy (qui correspond à l’hôtel de ville médiéval) située en vis-à-vis sur le versant opposé de la combe : même disposition des ouvertures, mêmes dimensions, même période de construction. Cela renforce l’hypothèse d’une origine publique pour cet édifice de la rue de la Porte Brunet dont la vocation commerciale, pour une partie de ses espaces au moins, paraît assez certaine.
Bien qu'il ait gardé son intégrité jusqu'en 1845, le bâtiment a finalement été subdivisé en deux parcelles, qui correspondent toujours à deux propriétés. Celle du tiers nord (cad. 399) est la mieux étudiée en raison de son inoccupation actuelle. Le pignon nord est en grande partie dissimulé par des constructions annexes, greffées aux 19e et 20e siècles. La partie sud de l'édifice (cad. 55), est aménagée et comporte en outre moins de vestiges : sa façade sur la rue a été presque entièrement reconstruite au 18e siècle et son mur ouest l'a été dans la seconde moitié du 19e siècle, ce qu’attestent des clichés anciens où ce mur est manquant.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : limite 12e siècle 13e siècle Principale : limite 13e siècle 14e siècle Secondaire : 18e siècle Secondaire : 19e siècle |
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Description
La majeure partie des murs porteurs sont conservés, aisément identifiables par leur maçonnerie homogène, caractéristique des 12e-13e siècles : les parements sont partout en pierre de taille de grand appareil, dont les assises parfaitement réglées peuvent dépasser 40 cm de haut, le tout lié au mortier à chaux et sable de bonne qualité. Ce type de maçonnerie, qui ne se rencontre à aucune autre période à Saint-Emilion, permet sans difficulté de distinguer ce qui procède de la construction initiale et toutes les modifications ultérieures.
Il est donc assuré qu'il s'agit d'une bâtisse de plan oblong, parallèle à la rue qu'elle longe sur 26 m, et ne comptant qu’un seul niveau de ce côté-ci, d’une élévation de 4,50 m environ. À l'arrière, le mur ouest s’élève, à 11 m de distance, sur une hauteur de plus du double puisqu'il comprend celle du niveau de soubassement ménagé grâce à la rupture de pente : sa hauteur totale était donc de 9,60 m à l'origine, avant une surélévation du comble plus tardive. Sur toute la longueur de la bâtisse, un mur de refend médian formait relai de fond en comble pour faciliter la pose des planchers et de la couverture. Le pignon sud n'a pu être observé qu'à hauteur du soubassement, où il épouse la pente naturelle du rocher. Seul le pignon nord pose encore des problèmes d'interprétation relatifs à son aspect d'origine : il semble avoir été modifié dans le courant du Moyen Âge, pour une raison et dans un but qui demeurent indéterminés.
Niveau de soubassement :
La rupture de pente sur laquelle l'édifice est construit a permis de ménager sous le rez-de-chaussée un niveau de soubassement d'une ampleur démesurée : sa surface dépasse 250 m2 pour une hauteur sous plafond de 5,30 m. Le refend est entièrement ajouré d'une file de cinq grandes arcades en arc brisé retombant sur des piliers à imposte. Ces arcades ont pour la plupart été murées durant la période moderne et des refends perpendiculaires ont été ajoutés. De même, un plancher intermédiaire a été installé au niveau de la retombée des arcs. Ainsi, la vaste et unique pièce qui constituait initialement ce soubassement a progressivement été divisée en deux niveaux accueillant chacun de nombreuses pièces. Une cave voûtée a même été aménagée au 18e siècle dans le quart nord-est de l’édifice. Le mur qui ferme cette dernière au sud est en revanche plus ancien ; postérieur à la phase initiale, il atteste néanmoins d’une partition de cet espace dès le Moyen-Âge. Enfin, deux petites carrières ont été ouvertes sous la rue de la Porte Brunet.
Du côté ouest, ce soubassement est de plain-pied avec "l’escalette" qui longe la façade. Il communique avec cette ruelle par une grande porte implantée près de l’angle nord et dont l’embrasure intérieure est bien conservée. Malgré les nombreuses reprises de ce mur, cinq longues et étroites fentes de jour appartenant à la phase romane ont pu être identifiée sur la moitié nord conservée ; d’autres devaient très certainement prolonger la série sur la moitié sud du mur qui a été entièrement reconstruite au 18e puis au 19e siècle. Un sondage archéologique réalisé en 2018 dans la partie nord-ouest de ce bâtiment a montré que le socle rocheux est creusé jusqu’à 2,50 m en-dessous du sol actuel et retaillé au droit du mur de façade. Il semble donc qu’il y avait à l’origine un niveau de cave supplémentaire, mais le sondage n’a pas permis d’identifier de support pour le plancher qui devait nécessairement couvrir ce niveau inférieur aujourd’hui remblayé.
Le mur nord, très complexe à interpréter, présente deux parties distinctes de part et d’autre du mur de refend à arcades :
- Du côté ouest, le rocher qui affleure de quelques dizaines de centimètres, est retaillé à l’aplomb du parement roman construit au-dessus. Un massif de maçonnerie, venu se plaquer dans un second temps (fin 13e ou 14e siècle) contre ce parement, renferme un conduit d’évacuation des latrines du niveau supérieur. Ce conduit débouche dans une grande fosse creusée dans la roche. Celle-ci est la dernière (et la plus récente) d’une série de trois fosses imbriquées qui révèlent différentes phases d’aménagements. La plus ancienne est même antérieure au bâtiment roman puisque le pilier de la première arcade du refend est bâti à l’intérieur même de cette fosse.
- Du côté est du refend, la moitié inférieure de la paroi est constituée par le rocher qui remonte en pente douce vers la rue. Dans la moitié supérieure, se dresse une fine colonne, visible depuis le 2e niveau de cave (au-dessus de la voûte), qui appartient à la 2e phase du bâtiment. Deux arcades et un mur, ajoutés durant la période moderne, sont finalement venu fermer ce côté qui, auparavant, semblait communiquer librement avec un autre espace situé au nord du bâtiment. Cet espace implanté en contrebas d’environ 2,50 m par rapport à la rue correspond actuellement à la cave de l’annexe adossée au pignon nord. Celle-ci renferme un puits équipé d’une pompe à bras et ses murs témoignent de multiples remaniements. Les différentes investigations n’ont pas permis de comprendre pleinement l’organisation et l’évolution de cet espace au fil du temps.
Rez-de-chaussée surélevé :
Le gouttereau oriental, bordant la rue de la Porte Brunet a été en grande partie reconstruit entre le 18e et le 19e siècle. Mais entre les différentes portes et fenêtres qui ajourent actuellement la façade, subsistent les claveaux d’anciennes arcades couvertes d’arcs segmentaires, associées à des assises de pierres de taille en grand appareil conservées en partie haute du mur, qui attestent de l’origine romane de ces vestiges. Au moins sept arcades de largeur variable (entre 1,10 et 2,60 m) ont pu être identifiées mais il y a l’espace pour quatre de plus. Les parties visibles au revers du mur montrent que ces ouvertures étaient dépourvues d’arrière-voussures ; elles étaient donc traversantes et devaient rester ouvertes à la façon d’un passage à couvert sous lequel devaient prendre place des boutiques. À l’extrémité de cette galerie, la première moitié du pignon nord (côté rue) a été entièrement rebâtie lors de la 2e phase (fin 13e ou 14e siècle). Le haut de la colonne du niveau inférieur, terminée par un chapiteau sur lequel retombent deux arcs segmentaires qui portent le sommet du pignon, est ici visible. La même incertitude qu’au niveau inférieur subsiste ici : ce côté du bâtiment restait-il ouvert ou bien ces grandes arcades étaient-elles fermées par une façade à pan de bois ? rien ne permet de trancher en l’état. Ces deux arcades ont été comblées au 18e siècle par une nouvelle façade en pierre de taille dans laquelle prennent place une porte à linteau droit appareillé, une grande fenêtre élancée à linteau échancré ainsi qu’une niche d’évier. Durant la première moitié du 19e siècle, un appentis est ajouté en avant de cette façade et masque depuis la majeure partie de ce pignon. Ce bâtiment annexe est implanté sur l’emprise de l’ancienne cour en contrebas mentionnée précédemment.
À l’arrière du refend qui partage le bâtiment en deux, la partie occidentale de ce rez-de-chaussée surélevé a pu accueillir des espaces résidentiels. Une logette de latrines devait prendre place dans l’épaisseur du mur nord, au droit du conduit mentionné au niveau inférieur. Son emplacement doit correspondre au bouchage visible sous une grande arcade qui devait couvrir la logette. Entre les nombreuses fenêtres percées au 18e siècle et les parties reconstruites durant le 19e siècle, les lambeaux de murs romans conservés ont permis d’identifier la présence de cordons d’appui et d’imposte ainsi que le montant d’une fenêtre romane. Celle-ci était couverte par un tympan semi-circulaire, attesté par la découpe arrondie du parement qui épousait la courbe de son extrados, selon un modèle très répandu en ville pour le bâti roman.
Comble :
Le pignon nord conserve la mémoire des dispositions successives : son quart occidental correspond à la première partie du rampant du pignon roman et sa moitié sud, dotée d’une fente de jour ébrasée, appartient au pignon reconstruit lors de la 2e phase. Dans ces états anciens, le bâtiment ne disposait pas de combles logeables ; tout au plus servaient-ils de grenier, à moins que la charpente n'ait été apparente. Durant la période moderne, l’ensemble des murs a été surélevé d’une soixantaine de centimètres pour aménager le comble actuel.
Au niveau de la parcelle cadastrale 55 (moitié sud du bâtiment), seul le gouttereau occidental a été surélevé, excepté la partie sud qui apparaît effondrée sur les photos anciennes et dont la toiture n’a pas été alignée sur sa voisine lors de sa reconstruction à la fin du 19e siècle.
Détail de la description
Murs |
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Toits |
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Étages |
étage de soubassement, en rez-de-chaussée surélevé |
Couvertures |
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Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
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Référence du dossier |
IA33010326 |
Dossier réalisé par |
Souny David
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Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Saint-Emilion (commune) |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2012 |
Copyrights |
(c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel |
Citer ce contenu |
Maison, Dossier réalisé par Souny David, (c) Communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais, (c) Université Bordeaux Montaigne, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/12f660ab-4da2-4401-9d3e-dbf2957d5c0a |
Titre courant |
Maison |
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Dénomination |
maison |
Statut |
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Protection |
Site, secteur ou zone de protection : secteur sauvegardé |
Intérêt |
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Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Gironde , Saint-Émilion , 5 rue de la Porte-Brunet
Milieu d'implantation: en ville
Lieu-dit/quartier: Ville haute
Cadastre: 1845 C 338, 2010 AP 55, 399