Un site anciennement occupé

Plusieurs découvertes et fouilles archéologiques menées aux 19e et 20e siècles ont permis de révéler une occupation ancienne du promontoire calcaire qui, surplombant les marais, occupe le tiers sud-est de la commune actuelle. Dans les années 1960, des fragments de poteries du Néolithique (4e millénaire avant J.-C.) ont été relevés au lieu-dit Lidon (à noter aussi que des outils en silex ont aussi été découverts à Arçais, cette fois en pleins marais, dans la conche des Arrentis, en 1886). En 1974 puis 1995, des prospections aériennes ont mis en évidence un vaste enclos polygonal à Chambreau. Des tuiles, des poteries et des fragments de verre bleu ont été relevés à la Cougnasse, au nord-est de la Cheintre Cornue, toujours en bordure de marais.

Ce même site de promontoire, largement étendu au sud du bourg actuel, a continué à être occupé sous l’Antiquité et pendant une grande partie du Moyen Age, autour du lieu-dit la Vieille Eglise. C’est là que s’étendait une nécropole, utilisée sans doute depuis la Basse Antiquité et jusqu’au 10e siècle au moins. En 1990, le site a fait l’objet de fouilles qui ont mis au jour quatre sarcophages et une sépulture en pleine terre, l’ensemble contenant des squelettes, quelques bijoux, des verres et des tessons.

Comme l’indique le toponyme, ce site a été choisi au Moyen Age pour l’implantation de la première église d’Arçais, et probablement de son premier bourg autour d’elle. Cette église et Arçais font partie de la terre de "Ressia", en pays ou pagus d'Aunis et de Niort, donnée en 975 par Guillaume Fier à Bras, comte de Poitou et duc d'Aquitaine, au chapitre de l’église Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers. Cette donation est confirmée en 1178 par l'évêque de Saintes et en 1188 par une bulle du pape Clément III. Régulièrement, le domaine d’Arçais ou Arsay est attribué à tel ou tel chanoine ou dignitaire relevant du chapitre, par exemple le chanoine Jean de Coussai, le 25 juin 1241. Le 29 novembre 1263, celui-ci donne par testament à l’église Saint-Hilaire les deux parts qu’il possède dans la rente sur les revenus du port d’Arçais, ainsi mentionné pour la première fois. Outre cette activité portuaire déjà en place à deux pas de l’axe commercial qu’est la Sèvre Niortaise, les documents en question renseignent aussi sur les activités économiques et agricoles, en particulier la viticulture. Le 8 mai 1298, hommage est ainsi rendu au chapitre par Hugues d’Arçais, paroissien de Saint-Cyr, pour divers biens dont son hébergement avec ses appartenances et complants de vignes, appelé le fief d’Arçais, situés en la paroisse de Saint-Cyr.

Une seigneurie contestée et convoitée au Moyen Age

Les droits du chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand sur Arçais sont toutefois régulièrement contestés, et ledit chapitre doit souvent réaffirmer son autorité, avec plus ou moins de succès. En février 1223, ils passent ainsi une transaction avec leur juge et représentant à Arçais, Guillaume "de Arcayo", au sujet des empiètements que celui-ci a commis sur les droits du chapitre. Trois ans plus tard, ledit Guillaume d’Arçais abandonne au chapitre tous les droits qu’il possédait dans la terre d’Arçais, moyennant 80 livres. Mais c’est avec une lignée se prétendant, à partir du 14e siècle, seigneurs d’Arçais ou Arsay, que le chapitre va avoir le plus maille à partir. Dès 1358, par un acte rapporté en 1418, Alix Raiole, veuve de Huguet Rataut, dame d’Arsay, acense à un certain Conmoing une partie de l’écluse ou pêcherie de Frézé, avec les eaux et conches qui en dépendent. Située à la confluence entre le bief de la Taillée et la Sèvre Niortaise, celle-ci fait partie des pêcheries qui, positionnées sur le fleuve, participent au développement de l’activité de pêche dans les marais.

Le pouvoir des seigneurs d’Arsay s’accroît lorsqu’en octobre 1389, en pleine guerre de Cent Ans, le duc Jean de Berry, détenteur du donjon de Niort, autorise Jean Ratault à fortifier son "hostel d’Arssay" pour s’y réfugier avec ses proches, en cas d’attaque ne lui permettant pas d’atteindre Niort. Ainsi naît le château d’Arçais qui s’étendait, jusqu’au milieu du 19e siècle, en contrebas du bourg et de l’église, à proximité des marais et du port (entre les actuelles rue de l’Ouche et des Mottes). Les seigneurs d’Arsay n’ont de cesse d’augmenter leurs prérogatives, au détriment du chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand et en s’abritant sous l’autorité royale. A Jean Ratault succède sa fille, Marguerite, et son gendre, Jean de Charray, puis leurs descendants. Le 25 janvier 1413, la veuve d'Aimery de Charay, rend aveu au duc de Berry, au nom de son château de Niort, pour le lieu d'Arsay. Le 30 août 1418, c’est au dauphin Charles que Hugues de Charray rend aveu et dénombrement de la terre d’Arsay. Le même, dès janvier 1408, acquiert un "hébergement" tenant entre autres au chemin par où l’on va au port, signe qu’il existe déjà un site habité auprès de celui-ci, et non plus seulement à la Vieille Eglise.

Vers 1455-1460, les deux filles de Aimery ou Jean de Charray et de Jeanne Béchillon, Antoinette et Jeanne de Charay apportent Arçais en indivision à leurs époux, François et Jean Goullard. Ceux-ci prennent le titre de co-seigneurs d'Arçais, ce que leur conteste le chapitre de Saint-Hilaire. En 1462, un arrêt du Parlement donne raison à ce dernier, ordonnant aux Goullard de fournir au chapitre une portion de fèves et de lard ainsi que deux lits, à donner à ceux que le chapitre enverra pour surveiller les moissons et les vendanges. Or, le 18 octobre 1462, un envoyé du chapitre se présente à la porte du château d’Arçais mais est reçu a minima par les Goullard. Le chapitre fait alors saisir la seigneurie d’Arçais. Au début du 16e siècle, les Goullard d’Arsay lui rendent de nouveau hommage pour leur terre d’Arçais, mais dès le 18 mai 1556, Tristan Goullard se défait à nouveau de l’autorité du chapitre et rend aveu au roi. En 1566, le chapitre de Saint-Hilaire le fait condamner par le présidial de Poitiers. Dans les années 1650-1670, Georges Goullard, puis son fils Henri sont à leur tour en procès avec le chapitre de Saint-Hilaire au sujet des droits de juridiction qu’ils prétendent sur Arçais. Henri Goullard est condamné par le Parlement en 1674 à 1678 à rendre hommage au chapitre.

Un bourg déplacé, des marais partiellement aménagés (17e-18e siècles)

En ce début des Temps modernes, la petite localité d’Arçais commence à croître à l’ombre du château fort et sur le promontoire qui domine le port. Vers 1600, le bourg rassemble une trentaine de maisons. L’ancien site de la Vieille église est abandonné et, en 1626 et 1653, les Goullard d’Arsay donnent l’emplacement nécessaire, au cœur du petit bourg et sur la hauteur qui surplombe le château, pour établir une nouvelle église et son cimetière. Outre les Goullard, seigneurs d’Arçais, certaines parties du bourg et des marais alentour relèvent du seigneur de Saint-Georges-de-Rex (partie est du port) ou de celui de Mauzé auquel les Goullard rendent aveu en 1640 et 1641 pour l’écluse de Frézé. La pêche continue d’ailleurs d’être une ressource essentielle, et des pêcheries ou bouchaults sont mentionnés en 1600 dans les marais de Minet et au grand port. Les abords de celui-ci, au sud et au sud-ouest, sont occupés par la grande et la petite métairie du château. Le curé d’Arçais possède ses propres terres et métairie, également affermées. Les archives mentionnent enfin le four banal seigneurial, vraisemblablement situé à l’emplacement de l’actuel hôtel-restaurant à l’extrémité ouest de la rue du Marais.

En ce même 17e siècle, Arçais et ses marais restent à l’écart des grands dessèchements qui mettent en valeur la partie centrale et occidentale du Marais poitevin. Les marais de la rive droite de la Sèvre Niortaise devaient pourtant en faire partie : c’est vraisemblablement à Eve Clée que devait commencer le grand canal de dessèchement des marais "de Coulon et la Garette jusqu’à la mer", œuvre finalement limitée aux marais en aval de Maillé et Vix. La carte de la région par Claude Masse en 1720 montre les vestiges de la portion orientale de ce qui est devenu le canal de Vix, vestiges traversant les marais inondables d’Arçais. Claude Masse précise que "ce canal est presque tout comblé, on a de la peine à distinguer son lit à cause des grands roseaux". Le canal d’Eve Clée et le canal de Reth sont aujourd’hui les derniers témoins de son tracé. La même carte de Claude Masse montre les marais au nord d’Arçais "qui ont été autrefois desséchés, où il ne croît à présent que des roseaux". On y devine les vestiges d’un cadrillage de canaux et de fossés. Claude Masse mentionne aussi tout le long de la Sèvre, de la Sotterie aux Bourdettes, les "vestiges des digues qui enceignaient les marais de Benet quand ils étaient desséchés mais elles sont à présent toutes ruinées".

Bien que retranchés des grands dessèchements, ces marais semblent faire l’objet d’aménagements partiels dès le 17e siècle, sinon au 18e, en particulier dans les marais de la Motte d’Auvergne (ou du Vergne). Cet espace triangulaire à l’extrémité nord d’Arçais, délimité par le bief du Moulin, la rigole de la Rive droite et le fossé de la Terrée Perdue, présente sur le plan cadastral de 1829 et aujourd’hui encore un parcellaire plus large et plus régulier que dans le reste des marais mouillés. Il semble que ces marais ont été aménagés par concessions partielles et limitées octroyées par les seigneurs à des investisseurs. Ainsi, Henri Augier, bourgeois de Niort, par ailleurs propriétaire du Logis d’Arçais créé sur le versant oriental du port, fait le 2 novembre 1736 déclaration de ses biens, parmi lesquels deux marais situés à la Motte d’Auvergne, l’un concédé par le comte de Saint-Georges-de-Rex en 1698, le tout confrontant "à la vieille levée". De la même façon, c’est par concessions et lotissement qu’est créé, en ce même 18e siècle, le quartier de la Garenne qui tire son nom de l’ancienne garenne seigneuriale des Goullard d’Arsay. Ces derniers octroient des parcelles à des habitants d’Arçais qui développent ainsi peu à peu le quartier en surplomb des marais et du bief de la Garenne. Leurs habitations et leurs dépendances étagées sont bien visibles sur le plan cadastral de 1829.

Un essor majeur au 19e siècle

La Révolution a peu d’impact sur Arçais, commune rattachée au canton de Magné. Les biens des Goullard d’Arsay, en particulier leur château médiéval, échappent aux saisies de biens nationaux qui ne concernent que les terres du curé. La présence pluriséculaire des Goullard à Arçais cesse avec la vente aux enchères, à partir de 1858, de l’ancien château. Ses vieilles bâtisses sont démolies et son périmètre est dépecé en plusieurs parcelles sur lesquelles vont venir s’établir des fermes, autour des nouvelles rues de l’Ouche et des Mottes. Dès le début du 19e siècle, une autre famille de notables émerge dans la vie économique et sociale de la commune : les Ducrocq, propriétaires de nombreux marais et surtout du Logis qui surplombe le port, reconstruit en 1822 et agrandi en 1878.

Quelques autres notables locaux, médecins, aubergistes, boulangers conduisent la municipalité. Celle-ci concentre ses maigres ressources financières (abondées par la mise en ferme puis la vente progressive des marais communaux) sur l’amélioration des équipements et espaces publics : transfert du cimetière en dehors du bourg et dégagement de la place de l’église, construction de la nouvelle église à partir de 1856, de la mairie-école en 1870. Ces efforts répondent au développement démographique régulier de la commune : Arçais passe de 881 habitants en 1793 à 941 en 1846, et 1070 en 1881. L’essor est aussi économique, avec le développement de l’élevage et de l’exploitation du bois dans les marais alentour. Les petites fermes familiales se multiplient et, avec elles, les nombreuses dépendances agricoles au cœur même du bourg.

Bien que toujours inondables, les marais sont davantage mis en valeur grâce aux aménagements réalisés par l’Etat et le Syndicat des marais mouillés des Deux-Sèvres : creusement de la rigole de la Garette à partir de 1838, élargissement et approfondissement de la Sèvre entre 1845 et 1870, création du barrage éclusé des Bourdettes en 1855, reconstruit en 1881, etc. De son côté, la commune procède régulièrement au curage des conches communales et entretient les passerelles de halage sur la rive droite de la Sèvre. Le désenclavement routier fait aussi partie des priorités : Arçais constitue en effet un cul-de-sac à l’extrémité nord de la plaine calcaire, sans communication avec l’ouest et le nord. Pour y remédier, une décision ministérielle du 15 mai 1858 ordonne la création de la route d’Arçais à Damvix. Il faudra toutefois trente ans pour achever le nouvel itinéraire. A la toute fin du 19e siècle, l’ouverture de la gare d’Arçais contribue aussi grandement à sortir la commune de son isolement. Elle va attirer autour d’elle l’implantation d’une laiterie coopérative en 1913 et d’une scierie industrielle en 1917.

Déclin, renaissance et nouveaux enjeux au 20e siècle

L’exode rural se fait toutefois sentir dès cette époque, le nombre d’habitants tombant à 968 en 1911, 766 en 1936. Les principaux aménagements des marais sont achevés, comme le constate le ministre des Travaux publics, en visite dans la région le 12 octobre 1920, accueilli sur le grand port d’Arçais par les enfants des écoles. Pendant l’Occupation, des actes de résistance sont menés à Arçais, et un régiment de FFI y stationne en octobre 1944. Dans le clocher de l’église, des graffiti commémorent la Libération. Après-guerre, la remise en état des marais et de leurs ouvrages intervient dans le cadre des Grand travaux des marais de l’Ouest. Ceux-ci concernent en particulier les barrages des Bourdettes et de Poissonnet, au début des années 1960. A la même époque, on commence à construire des chemins d’exploitations à travers les marais pour mieux les desservir, et les ponts et passerelles de halage sont modernisés. Le bateau n’est plus, dès lors, le seul mode de transport. Le nombre d’habitants, lui, ne cesse de reculer : 763 habitants en 1946, 718 en 1968, 524 en 1982. Les très nombreuses exploitations agricoles sont trop petites (moins de 3 ou 4 hectares) pour faire vivre tout le monde, et sont de moins en moins rentables. Les autorités luttent aussi contre les inconvénients de l’élevage en termes de salubrité, les fermes étant établies au cœur même du bourg. La vente des animaux est encouragée, les petites exploitations disparaissent, les marais mouillés et leur tissu foncier ne se prêtant guère à une autre activité.

Dans les années 1980, de grands projets sont imaginés pour revitaliser les marais mouillés, en particulier ceux d’Arçais et des communes voisines. Les uns proposent de créer un village-vacances, les autres un lac entre Saint-Hilaire-la-Palud et Arçais, propice aux activités nautiques mais engloutissant des marais jugés inutiles. Doit passer aussi à proximité l’autoroute A83, finalement déviée au nord de Niort. L’Etat engage alors un autre programme d’aménagements, destiné à réhabiliter la Venise Verte et à relancer le tourisme. Les Grands travaux du Président de la République sont encadrés par un syndicat intercommunal. Présidé par Ségolène Royal, il regroupe douze communes, dont Arçais où Jean Leysenne est maire de 1990 à 2008. A Arçais, le programme doit bénéficier en particulier à la réhabilitation du grand port. Le 4 février 1992, le Président François Mitterrand vient poser la première pierre de ces travaux. Parallèlement, on encourage la reprise de l’entretien des canaux et des conches, et la remise en état des prairies.

Arçais devient un des principaux pôles touristiques du Marais poitevin, le point de départ de promenades en barques à partir d’embarcadères situés sur et à proximité du grand port, sans oublier un camping, des restaurants et des logements de tourisme. La commune, dont le nombre d’habitants remonte à 633 en 2004, avant de se stabiliser à 612 en 2019, obtient le label Petite cité de caractère en 2013. Après la mise en place d’un Plan d’occupation des sols dès 1988, une Aire de mise en valeur architecturale et paysagère (AVAP) est élaborée en 2019. Protection de l’environnement naturel et paysager, préservation du patrimoine architectural, attractivité pour une population autre que de résidents secondaires : tels sont les enjeux auxquels la commune d’Arçais est aujourd’hui confrontée.