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Canal de Marans à la mer ou canal maritime
France > Nouvelle-Aquitaine > Charente-Maritime > Marans
Historique
Une réflexion commencée dès le 18e siècle
Le creusement du canal de Marans à la mer ou canal maritime, à la fin du 19e siècle, est l'ultime aboutissement d'une vaste réflexion menée dès le début du 18e siècle pour améliorer la navigation sur la Sèvre Niortaise, la liaison fluviale et commerciale entre Marans et la baie de l'Aiguillon, et plus globalement la liaison entre Niort, La Rochelle et son arrière-pays. Les inondations de 1747 et 1751 lancent réellement le débat qui met aux prises, entre autres, les autorités de Marans et celles de La Rochelle. Dès 1750, les Rochelais présentent un projet de grand canal entre Niort et La Rochelle, suivant la vallée de la Sèvre jusqu'à Damvix puis obliquant vers La Rochelle à travers l'Aunis. En plus d'assurer une nouvelle liaison fluviale directe, le canal aurait pour mérite de déboucher dans le vieux port de La Rochelle et de participer ainsi à son dévasement.
Un tel projet suscite aussitôt l'hostilité des Marandais puisque le canal et son trafic commercial éviteraient leur port. En 1759-1760, il est question de creuser un canal de redressement de la Sèvre Niortaise entre Marans et la mer car, selon un mémoire d'ingénieur de l'époque, "les grands détours que forme cette rivière augmentent son cours du double de longueur, diminuent sa pente et rendent lors de la marée descendante l’action de l’eau presqu’inutile pour emporter les vases".
Faute de financement et de décision, ni ce projet ni son concurrent ne voient le jour avant la Révolution. En 1772, on se contente de confier à l'abbé Bonnin, un chanoine de la cathédrale de Luçon, une opération de curage des vieux méandres de la Sèvre. L'affaire tourne pourtant au fiasco, et le sujet reste entier. Les discussions, vives, continuent sous la Révolution. En 1792, les Niortais proposent une troisième voie pour le nouveau canal envisagé : emprunter la vallée de la Sèvre jusqu'à Marans, puis creuser un nouveau tronçon entre Marans et La Rochelle. Finalement, un décret impérial du 17 juillet 1805 (28 messidor an 13) ordonne le creusement du canal de Niort à La Rochelle en évitant Marans. L'opération sera en partie financée par une imposition sur les bateaux transitant sur la Sèvre (donc par Marans). Le premier coup de pioche en est donné en 1806.
Une réflexion qui continue au 19e siècle
Ce chantier, colossal, se heurte toutefois à d'importantes difficultés tant techniques que financières. Dans le même temps, un vaste programme d'amélioration du bassin de la Sèvre Niortaise est confié dès 1806 à l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées Pierre Tréton-Dumousseau, puis en 1818 à son successeur, François Mesnager. Entériné par décisions ministérielles en 1822 et 1825, le projet Mesnager prévoit, entre autres, le creusement d'un canal entre Marans et la mer dont le tracé est visible sur la grande carte du bassin de la Sèvre établie par Mesnager. Ce projet se perd de nouveau dans les méandres administratifs et financiers, tandis que celui du canal de Niort à La Rochelle est brièvement relancé en 1839-1840. Il est alors confié à l'ingénieur des Ponts et Chaussées Jacques-Samuel de Laffore, qui vient d'être nommé dans les Deux-Sèvres après s'être illustré en Lot-et-Garonne. Laffore envisage le canal de Niort à La Rochelle comme un maillon d'une vaste liaison fluviale entre Paris et La Rochelle, au grand bonheur des Niortais. Plus encore, il propose au passage de profiter du canal pour dessécher l'ensemble des marais mouillés de la Sèvre Niortaise, provoquant un tollé dans toute la région. Laffore est nommé en Gironde en 1844, et le projet du canal de Niort à La Rochelle est définitivement abandonné en 1851.
Sans attendre, dès 1840, l'ingénieur Dor reprend l'idée de Mesnager d'un canal de Marans à la mer, avec une écluse à son embouchure. En 1842, les Ponts et Chaussées proposent de mettre en oeuvre deux cours pour la Sèvre Niortaise : le premier servirait à l’évacuation des eaux par le canal de Pomère, la rivière du Moulin des marais, redressée et élargie, puis l’ancien lit de la Sèvre niortaise entre Marans et l’embouchure ; le second cours serait réservé à la navigation, empruntant l’ancien lit de la Sèvre niortaise entre la Bonde des Jourdain et le Gouffre, puis le bras de la Sèvre Niortaise traversant le port de Marans, et enfin un nouveau canal maritime reliant Marans à l’embouchure du fleuve. Le 15 octobre 1844, l'ingénieur Marchegay présente un plan général du projet englobant l'aménagement d'un bassin dans le port de Marans, pour en faire un port d'échouage, et le creusement du canal de Marans à la mer. La loi du 26 juillet 1845 sur l'amélioration des ports ordonne enfin le creusement d'une part du canal de Marans à La Rochelle, d'autre part celui du canal de Marans à la mer, substituant ces deux ouvrages au canal de Niort à La Rochelle, définitivement abandonné. Le 15 juillet 1846, désormais pourtant en poste en Gironde, Laffore présente un avant-projet de "canal maritime de Niort à l'océan par Marans".
Une partie seulement des travaux décidés reçoit un début de réalisation, notamment dans le port même de Marans. Les opérations sont suspendues par la Révolution de 1848. Le principe du canal (avec des portes à flot à son embouchure) est pourtant repris en 1856 par l'ingénieur en chef Joseph Maire dans son grand projet d'aménagement du bassin de la Sèvre, mais en 1865-1866, dans son programme d'aménagement du port de Marans, l'ingénieur en chef Evrard estime que le canal doit être abandonné dans son tracé initialement envisagé, les débuts de son creusement ayant montré d'importantes difficultés liées l'instabilité du sol. Le projet d'Evrard consiste à former un nouveau bassin à flot en aval du port de Marans, fermé par trois ouvrages : en amont, un barrage éclusé au Carreau d'Or ; en aval, un barrage éclusé aux Enfreneaux à créer sur le vieux cours principal de la Sèvre ; également en aval, une écluse à la tête du futur canal de Marans à la mer.
En 1869, une nouvelle grande inondation remet sur le devant de la scène la nécessité de relancer les travaux envisagés dans tout le bassin de la Sèvre, et de creuser les canaux décidés. Le 2 avril, une dépêche ministérielle ordonne de nouvelles études. Le 25 février 1870, l'ingénieur en chef Detzem présente les plans de l'écluse maritime à construire à l'embouchure du canal. Il prévoit une écluse à sas, bien plus adaptée à la navigation que les seules portes à flot imaginées en 1856 par Maire.
Un canal enfin creusé et mis en service
Pourtant, tandis que le canal de Marans à La Rochelle voit finalement le jour dans les années 1870, le canal de Marans à la mer doit encore attendre. L'avant-projet est approuvé par décision ministérielle le 24 juillet 1880 et, le 13 août, une commission locale est instituée, composée de représentants des Ponts et chaussées et des professionnels de la navigation à Marans. Elle est chargée de définir les détails du projet. Le creusement du canal et la construction de son écluse sont déclarés d'utilité publique par décret du 2 mai 1881, pour une dépense évaluée à 3.150.000 francs. Le projet d'exécution des terrassements est établi le 26 juillet par l'ingénieur des Ponts et chaussées Modelski et l'ingénieur en chef Savin.
Les travaux sont adjugés le 17 février 1882 à l'entreprise Hersent et Langlois, siégeant 60 rue de Londres, à Paris, pour 1.037.656 francs. La construction de l'écluse de tête et celle du barrage des Enfreneaux commencent aussi au printemps 1882. A partir de janvier 1883, plus de 120 ouvriers (le double un an plus tard), répartis en plusieurs équipes, travaillent au creusement du canal, dans des conditions souvent difficiles. Pour éviter les éboulements des talus, on renonce à un creusement à sec, préférant maintenir de l'eau dans la fouille. Dès lors, pour retirer la terre du fond du canal, en eau, on utilise une drague à vapeur, acheminée en pièces détachées par train via la gare de Marans, et remontée sur place. Elle entre en action en juin 1883 mais, emportée par le poids de la terre, elle chavire le 26 juillet avant d'être renflouée et remise en état. De leur côté, les ouvriers terrassiers construisent entre autres les chemins de halage et les deux gares d'évitement prévues sur les flancs du canal.
Le chantier de l'écluse s'avère lui aussi bien plus complexe que prévu et l'ouvrage n'est achevé que six ans plus tard, au lieu des trois années envisagées. L'écluse du Brault et le barrage des Enfreneaux sont enfin mis en service en avril-mai 1888. Le 20 juin, le canal maritime est ouvert à la navigation et le bassin à flot du port de Marans, délimité par les ouvrages du Brault, des Enfreneaux et du Carreau d'Or, est déclaré opérationnel. L'inauguration officielle a lieu le 22 juillet.
Consacré à la navigation comme le prévoyaient les ingénieurs dès 1842, le canal est pourtant exceptionnellement ouvert à l'évacuation des eaux d'amont lors de la grande crue de février 1904 qui engloutit tous les marais depuis Niort. Ce rôle évacuateur, contraire aux intérêts de la navigation, se répète pourtant par la suite, suivant des conditions strictes. Dès son ouverture, le canal doit être dévasé à l'aide d'un bac à râteau, opération qui se reproduit régulièrement ensuite.
Description
Long de 5783 mètres, le canal prend naissance à Marans, en aval du port et en amont de l'écluse des Enfreneaux. Rectiligne, il file jusqu'à l'anse du Brault (commune de Charron) où il se jette dans la Sèvre Niortaise. Auparavant, il traverse une écluse et est franchi par un pont tournant.
Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Marans
Milieu d'implantation: isolé
Cadastre: 2016 AO et OD
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Charron
Milieu d'implantation: isolé