Port de Talmont-sur-Gironde

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Un site de mouillage déjà bien connu avant le 19e siècle

Jusqu'au 19e siècle, Talmont-sur-Gironde ne disposait pas d'un port aménagé. Les bateaux pouvaient venir s'échouer dans la baie entre le bourg et le Caillaud, d'une part, et dans celle au nord du bourg, vers la pointe de Dau. L'ingénieur Claude Masse, au début du 18e siècle, indique sur ses plans qu'il n'entre dans la première que "de petits batiments". En revanche, là où se trouve désormais l'écluse de chasse, il existe déjà à cette époque un "pont d'arceau sur un ancien canal tout comblé", permettant à un chemin d'aller entre le bourg et le Caillaud. Les mêmes plans de Claude Masse montrent par ailleurs que l'eau arrive au pied des maisons du bourg, à quelques mètres seulement de l'actuelle "maison de l'armateur" et de ses anciennes dépendances au nord de la rue du Port, le long du quai actuel. En 1759, deux représentations de Talmont par Desmarais, sur sa carte de la Gironde, montrent des bateaux mouillant dans les deux baies de part et d'autre de Talmont, ainsi que le pont.

Dans le premier tiers du 19e siècle, un début d'envasement est observé à l'emplacement du port actuel. Un chenal, sinueux et peu praticable, serpente à travers les vases, toujours plus près des maisons que le port actuel. Ce chenal est utilisé depuis les années 1780 pour évacuer les eaux des marais qui ont été desséchés en amont, à travers une écluse de chasse établie sous le pont. Dès 1791, les autorités de Talmont réclament son aménagement afin d'améliorer la capacité d'accueil des bateaux.

Un port de l'estuaire aménagé au 19e siècle

Dans les années 1830, Talmont bénéficie du programme d'aménagement des petits ports de la rive droite de l'estuaire de la Gironde, mené par l'Etat à Vitrezay, Port-Maubert, Mortagne ou encore Saint-Seurin-d'Uzet. Le projet d'amélioration du port de Talmont est présenté le 12 juin 1836 par l'ingénieur des Ponts et chaussées, Lessore, pour un coût de 6537 francs. Adjugés à M. Marion, entrepreneur, modifiés en novembre 1836 puis en mai 1837, les travaux sont réceptionnés le 4 septembre 1838. Ils ont consisté en un redressement et un approfondissement du chenal, désormais dans l'axe de l'écluse et plus éloigné des maisons ; en la création d'un quai de 137 mètres de long et d'une cale sur la rive droite, construits avec les matériaux extraits du creusement du nouveau chenal (le sommet du quai et de cinquante centimètres plus haut que le niveau les plus fortes marées) ; en l'établissement de bornes (en pierre de taille de Crazanne) et de pieux d'amarrage ; et en la réparation de l'écluse de chasse. Lors du creusement du nouveau chenal, un vieux canon est mis au jour vers son embouchure.

Au cours des décennies suivantes, des travaux d'entretien et d'amélioration sont tantôt réclamés, tantôt réalisés, au moins en partie. Une petite jetée empierrée est créée sur la rive gauche. Son doublement est envisagé dès les années 1870 et 1880 puis en 1911, mais il n'est pas réalisé car l'Etat juge l'activité du port insuffisante. En 1877, on se contente d'approfondir et d'élargir le chenal. En 1888, un appontement en charpente est construit par Christophe Mathieu, entrepreneur, sur les plans de l'ingénieur Mallat.

Une base américaine en 1917

L'histoire portuaire de Talmont connaît un nouvel épisode, et non des moindres, à partir de l'été 1917 lorsque l'armée américaine, engagée depuis quelques mois dans la Première Guerre mondiale, décide de construire une immense base d'approvisionnement, l'une des plus importantes sur la côte atlantique. Les Américains sont attirés par les qualités du site du Caillaud qui présente une profondeur d'eau de 20 à 30 mètres, à quelques dizaines de mètres de distance seulement des falaises. Le projet, baptisé "port Wilson", du nom du Président des Etats-Unis, prévoit la construction d'un quai de déchargement long de 1522 mètres et large de 80, parallèle aux falaises du Caillaud et à celles de Talmont. Ce dock, capable de recevoir 10 cargos, supporterait une voie ferrée reliée à une vaste gare de triage qui occuperait tout les marais compris entre le Caillaud, la Cabane, la Passe et le Colombier, avec 99 magasins couverts. En outre, pour l'après-guerre, les Américains, semble-t-il, imaginent le creusement dans l'anse du Caillaud de deux vastes bassins de 365 mètres sur 122, capables, avec leurs longs quais, de recevoir 8 grands paquebots. Les bassins seraient reliés à une grande gare de triage et à des magasins de stockage d'une superficie de 27.000 mètres carrés.

Les premiers soldats américains du 18th Engeneers Regiment arrivent à Talmont en novembre 1917. Au cours de l'année 1918, 6000 ouvriers sont mobilisés et 10 millions de francs sont dépensés. Un casernement de 19 baraques est établi entre le village du Caillaud et le plateau, un réservoir d'eau de source, alimenté par la source de Chauvignac (Chenac) est installé à quelques kilomètres de là, à la Garde (Barzan), et une voie ferrée est tracée sur 10 kilomètres entre le Caillaud et la Traverserie (entre Semussac et Corme-Ecluse), via la Cabane. Une autre ligne part en direction des dunes de Suzac où a été établie une ballastière (carrière où l'on extrait les matériaux pour le ballast des voies ferrées). A l'aide d'explosifs, la falaise du Rocher est en partie abattue pour préparer la construction du dock, de même que le rocher du Sphinx qui se trouvait à l'ouest de l'église de Talmont. A l'automne 1918, le camp regroupe environ 2000 soldats. Le 11 novembre 1918, l'armistice met un terme à ce vaste projet. Dès le 17, les travaux sont arrêtés et, le 26, les troupes américaines quittent Talmont. L'essentiel du matériel, démonté, est rapatrié aux Etats-Unis.

Un projet de port pétrolier dans les années 1920

Le projet de grand port, entretenu en 1919 par un Comité de propagande et d'action pour l'achèvement du port de Talmont-sur-Gironde, refait vraiment surface en juin 1920. Il est promu par Paul Métadier (1872-1956). Pharmacien à Tours, il est non seulement le promoteur de la métaspirine, mais aussi un riche homme d'affaires, maire de Talmont de 1919 à 1923. Pour son projet, il fonde la Société anonyme des entrepôts et ports de Talmont, et s'adjoint les talents et la fortune de Félix Clanet (1882-1965), riche fils d'un industriel du textile à Saintes, ayant des attaches à Talmont. Métadier édite plusieurs brochures et multiplie les actions en direction des autorités politiques et économiques pour obtenir la construction d'un vaste port de passagers et surtout de commerce et de stockage à Talmont. Il vante les qualités naturelles et géographiques du site, par comparaison avec le Verdon, de l'autre côté de la Gironde, un autre site envisagé pour installer un avant-port pour Bordeaux.

Métadier confie la conception du projet à M. Alexandre, ingénieur en chef des Ponts et chaussées (par ailleurs auteur du phare de la Coubre). Le projet alors établi connait plusieurs stades et variantes. Une des versions prévoit la création de deux bassins, l'un à l'ouest de Talmont, l'autre dans l'anse entre Talmont et le Caillaud. Ces deux bassins seraient reliés par un canal de jonction qui aurait pour effet de transformer la presqu'île de Talmont en île. Deux imposantes jetées encadreraient le village, et des quais tout aussi massifs, terminaux de voies ferrées, encadreraient le tout. Par ailleurs, une station pétrolière est projetée à la pointe sud de la Roche, face à la baie de Chant-Dorat. Métadier fait en effet l'éloge du pétrole qui, selon lui, va bientôt devenir la principale source d'énergie de l'économie. Sur le plateau de la Roche, on établirait des cuves de 25 à 35 mètres de diamètre, d'une capacité de 4000 litres, mais aussi une station de pompage et une usine à ciment. En avant de la falaise, dans un premier temps, deux pipelines assureraient la liaison entre les navires et les réservoirs. Dans un second temps, un bassin fermé, de 400 mètres de long, serait établi avec un quai contre la falaise est, dans la baie de Chant-Dorat, Cette station pétrolière serait reliée à une gare de triage établie entre le Porteau de Bas, le Caillaud et la Font. Une variante du projet prévoit de creuser un autre bassin cette fois dans l'anse entre Talmont et le Caillaud, avec un immense quai à pétrole qui envelopperait toute la Roche du Caillaud. Des appontements en béton armé seraient appuyés contre un terre-plein constitué avec les roches provenant de la destruction partielle de la falaise par les Américains. Les réservoirs seraient établis sur la pointe de Cornebrot, et l'on construirait une station de pompage et une station électrique. Talmont deviendrait ainsi l'avant-port pétrolier de Bordeaux, comme Rouen pour Paris.

Les discussions autour du projet de Métadier ne manquent pas. En 1922, il obtient pour sa société la concession de la voie ferrée du Caillaud à la Traverserie, et l'autorisation de commencer la construction de ses appontements pétroliers. Les travaux ne commencent pourtant toujours pas car le projet rencontre de vives oppositions et réserves : de la part de Bordeaux et de La Rochelle, qui craignent la concurrence ; de la part du Verdon, où l'on promet un avant-port depuis 1910 ; de la part de certaines communes voisines qui craignent des rejets de pétrole sur les plages et sur les bancs d'huîtres. Une commission nautique est constituée et émet des réserves sur la faisabilité technique du projet. En 1923, Métadier laisse la mairie de Talmont à Félix Clanet pour prendre celle, plus prestigieuse, de Royan. Devenu par ailleurs conseiller général, il ne renonce pas à son projet de port auquel il tente de donner davantage de prestige : le 25 mai 1924, répondant à son invitation, deux navires de l'escadre américaine viennent croiser au large des falaises du Caillaud, rappelant les capacités de port en eaux profondes du site. Cette venue ne suffit pas : dès juin 1923, le Sénat adopte la création de l'avant-port du Verdon, mettant fin aux espoirs de Métadier. En 1930, la Société des entrepôts et ports de Talmont est dissoute.

Du caviar et encore de grands projets

Pendant ce temps, se développe à Talmont une activité qui va faire la richesse de ses pêcheurs, comme de ceux d'autres ports de l'estuaire de la Gironde : la pêche à l'esturgeon et la préparation du caviar, "l'or noir de l'estuaire". Comme à Saint-Seurin-d'Uzet, Mortagne ou Port-Maubert (Saint-Fort-sur-Gironde), plusieurs pêcheurs s'adonnent, jusque dans les années 1960, à cette pêche très lucrative. Filadières et yoles quittent le petit port pour aller capturer les esturgeons desquels on tirera les oeufs des femelles, préparés ensuite en caviar. Celui-ci sera dégusté sur place et surtout vendu auprès de grands établissements parisiens, dont la Maison Prunier. Cette activité provoque toutefois sa propre fin car la pêche, trop intense, entraîne la raréfaction de l'esturgeon de l'estuaire. Sa pêche finit par être interdite en 1982.

Entre temps, le site portuaire de Talmont continue à susciter bien des convoitises. Dès 1934, un certain E. Eulot, de Paris, avance le projet, sans lendemains, d'une véritable ville nouvelle avec base d'aviation terrestre et maritime souterraine, port pétrolier, port de commerce, port de pêche, bassin de radoub, maisons ouvrières, etc. En 1941, Félix Clanet, aidé désormais de René-Louis Joly, fils de l'ancien instituteur de Talmont, fonde la première Société des amis de la presqu'île de Talmont. L'objectif de l'association, outre la sauvegarde du patrimoine talmondais, est de promouvoir l'idée d'un grand port de commerce, comme Clanet et Métadier l'avaient fait vingt ans plus tôt. Clanet et Joly invoquent l'histoire en se référant à l'antique port du Fâ et au projet de canal de la Seudre à la Gironde, émis en leur temps par Richelieu puis par Napoléon. La création d'une "société commerciale d'exploitation du port de Talmont et extensions" est même envisagée en 1943-1944, sans plus de succès.

En 1955-1956, en pleine Guerre froide, les autorités militaires américaines étudient la possibilité d'établir au Caillaud un port artificiel pour le déchargement et le stockage de matériel, en cas de destruction des ports européens utilisés par l'OTAN. Une jetée mobile est établie au large, reliée à la falaise par un téléphérique ; du matériel amené par des cargos est alors déchargé, stocké au Caillaud puis expédié. L'opération, baptisée Nodex, prend fin à l'été 1956.

En 1972-1973, un projet de marina et de port de plaisance, d'une capacité de 540 bateaux, est proposé par un cabinet immobilier bordelais pour l'anse du Caillaud. Ce projet suscite une levée de bouclier. Son rejet est suivi par le classement du site de Talmont, le 23 juillet 1975. La même année, une association de sauvegarde des intérêts et du développement de Talmont demande l'amélioration du port par un allongement de la jetée de la rive gauche à 137 mètres, et la création d'un véritable bassin de chasse en amont de l'écluse, comme à Mortagne par exemple. Ce projet n'a pas plus de suites que les précédents. Resté en l'état, le port est restauré en 1997.

Périodes

Principale : 2e quart 19e siècle

Le petit port de Talmont-sur-Gironde s'étire le long du versant est du bourg. Ainsi abrité des vents d'ouest, il s'étire entre un quai, rive droite, et une jetée, rive gauche. En amont, une petite écluse de chasse, au débouché d'un bassin, est ouverte à marée basse pour évacuer dans le chenal l'eau provenant des marais qui s'étendent en arrière. A marée haute, l'écluse est fermée pour empêcher les eaux de l'estuaire d'envahir les marais. Dans le port, des appontements en bois reçoivent quelques bateaux de pêche et de plaisance. En aval du quai de la rive de droite, se trouve une cale empierrée.

Murs
  1. Matériau du gros oeuvre : calcaire

    Mise en oeuvre : pierre de taille

  2. Matériau du gros oeuvre : bois

Toits

Localisation

Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Talmont-sur-Gironde

Milieu d'implantation: en village

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