"Quant à la tradition, elle nous a laissé que S. Cerin nasquit à Cernay-en-Poitou de gens de basse condition, et qu’il fust berger ; que dans cet état il se déroboit souvent du soin de son troupeau pour vacquer à l’oraison, et qu’estant fort désireux de belles-lettres, Dieu suscita un homme pour luy enseigner tant la science des belles-lettres que celle des SS. Et comme ce maître estoit un peu éloigné, l’écolier ne pouvoit quitter le soir de son bercail sans s’attirer les plaintes du maistre à qui il estoit à louage. On suppose que pendant qu’il court çà et là, les bœufs gagnent la campagne ; on veille à la conduitte de Cerin, on remarque en effet son assiduité à aller aux instructions, mais que, bien loin que les animaux fassent aucun domage, sont toujours en la même situation et s’entretiennent plus gras que ceux des voisins. Apparaissant en tout cela quelque chose de surnaturel, on s’attacha à cultiver les talents de ce jeune homme, jugeant que Dieu le destinoit à quelque chose de grand, et de fait il fut ellevé au sacerdoce et finist ses jours à Cernay, qui est le dépositaire de ses reliques, enfermées en un tombeau de pierre élevé sur un autel qui lui est dédié. On y vient de toutes parts en dévotion contre la fièvre, à cause des fréquents miracles qui se font par son intercession. La feste est le 2 may, et la translation le 2 octobre."
Source : Pouliot, Maurice ; Salvini, Jospeh ; François, Villard. Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790, Vienne, Série E supplément (Communes), Tome cinquième, Imprimerie P. Oudin, Poitiers, 1970.
"Un seigneur des environs de Cernay, contemporain de saint Martin, possédait parmi ses serfs un jeune enfant qui était chargé de la garde de ses troupeaux ; ce pâtre, nommé Seurin (sic) ou Serin, avait le plus grand désir de s'instruire, et dans ce but abandonnait fréquement ses animaux pour se rendre en cachette à Mirebeau où existait alors une école renommée ; un certain jour son maître le surprit et lui reprocha de laisser ses bestiaux mourir de soif ; pour toute réponse, Seurin appela une de ses vaches et lui ordonna de mettre la corne en terre ; immédiatement jaillit une source qui est depuis connue sous le nom de fontaine de Saint-Serin ; à quelque temps de là, notre berger alla grossir la foule des disciples qui se pressaient autour de saint Martin, habitant alors Doussay ; après avoir étudié pendant plusieurs mois, il supplia son maître de lui confier une cure que celui-ci refusa, alléguant son jeune âge ; comme un certain jour Serin avait renouvelé sa demande en y mettant une grande insistance, Martin lui répondit en riant : je te donnerai pour paroisse l'étendue de terrain que tu pourras clore de fossés avant ton déjeuner ; Serin le prit au mot et le lendemain se rendit dans les champs, traînant après lui une fraie* ; immédiatement la terre s'ouvrit, laissant derrière le saint un profond fossé qui délimita la nouvelle paroisse de Cernay** dont il fut le premier curé. Après sa mort, sa dépouille fut inhumée dans l'église, et la poussière de son prétendu tombeau jouissait, il n'y a pas encore longtemps, d'une grande réputation contre les fièvres intermittentes ; le traitement était du reste peu compliqué : on trempait dans la fontaine miraculeuse une chemise qui, après avoir été séchée à l'ombre, devait être endossée par le patient et conservée pendant neuf jours ; au bout de ce temps, à condition de boire de l'eau de la fontaine additionnée de poussière recueillie en raclant avec un couteau le tombeau de saint Serin, les fièvres étaient chassées à jamais. Les sections encore fraîches que nous avons vu sur ce tombeau nous donneraient à penser que cette bizarre médication n'est pas encore abandonnée***.
* Terme local, sorte de pelle qui sert à creuser les fossés.
** La commune de Cernay est presque entièrement limitée par des cours d'eau.
*** Les fièvres intermittentes sont assez fréquentes aux alentours de Lencloître ; elles ont sans doute pour cause la préparation du chanvre qu'on fait pourrir dans les cours d'eau.
Madame B. de J., qui nous a conté ces curieuses légendes et coutumes très connues dans le pays, voudra bien nous permettre de lui adresser ici nos plus respectueux remerciements."
Source : Drouault, Roger. Les cloches de Cernay, Revue poitevine et saintongeaise : histoire, archéologie, beaux-arts et littérature, Saint-Maixent, 1893.