Patrimoine industriel de la Charente-Maritime : présentation

France > Nouvelle-Aquitaine

L’économie de la Charente-Maritime a de tout temps été confondue avec l’exploitation de ses ressources naturelles : agriculture et produits de la mer. En 1835, A. Hugo, dans le numéro de la France pittoresque consacré au département,  décrit ainsi son économie : « La distillation des eaux-de-vie, l’exploitation des marais salants, celle des parcs d’huîtres vertes et la pêche de la sardine occupent le premier rang de l’industrie locale. Il existe dans le pays des raffineries de sucre, des fabriques de vinaigre, des fabriques de poteries fines et de creusets, des tanneries, des bonneteries, des fabriques de grosses étoffes de laine, etc.» A cette époque, l’arsenal de Rochefort, créé par Colbert en 1666 pour l’armement des vaisseaux construits à Brest, constitue le seul pôle industriel du département, et il existe tout au plus des spécificités artisanales selon les localités, comme les poteries fabriquées au sud de Saintes. L’économie est surtout fondée sur la pêche, le commerce, et notamment celui des eaux-de-vie ; près du cinquième de la superficie totale est couverte de vignobles.

Jusque vers 1875, l’expansion de la production et des ventes de cognac est continue, favorisée en 1860 par le traité de commerce avec l’Angleterre, même si dans ces mêmes années la guerre de Sécession prive les eaux-de-vie de leur débouché vers l’Amérique. Ce conflit entraîne en effet une forte diminution des exportations depuis le port de La Rochelle, et de ce fait une éventuelle reconversion économique est envisagée. Il semble que la création du port de la Pallice, qui est ouvert en 1891, s’inscrive dans cette perspective. Toutefois, à partir de 1875, le phylloxéra, qui ravage d’abord le sud  du département, précipite une reconversion devenue inévitable. En 1879, M. Billotte, dans son rapport sur la succursale de la Banque de France à La Rochelle, constate : « Le phylloxéra a envahi les arrondissements de Saintes et de Saint-Jean-d’Angély, et dans les quatre autres arrondissements les vendanges sont très faibles (...). Le département de la Charente-Maritime n’est pas industriel, mais seulement producteur : tout languit quand les récoltes sont pauvres, et comme les vignobles abondent, il est à craindre que le pays ne soit à moitié ruiné, et pour longtemps, par l’invasion de ce nouveau fléau, qui vient de dévaster toute la région du Midi, et par les transformations de culture qui en seront la conséquence ». Les revenus des vignerons et des salariés agricoles ont diminué, et en quelques années le phénomène s’amplifie avec la disparition des emplois saisonniers et la chute de la consommation en milieu rural.

Les remèdes à la crise du phylloxéra ne vont pas être les mêmes dans l’ensemble du département ; ils sont fonction des habitudes agricoles et sans doute des mentalités qui divergent fort entre l’Aunis et la Saintonge, la côte et l’arrière-pays. On assiste à la reconstitution du vignoble à Cognac et dans la Haute-Saintonge, et à la reconversion vers d’autres activités pour La Rochelle et l’Aunis. Cette disparité s’explique sans doute en partie parce que la région rochelaise fabriquait une eau-de-vie de consommation courante vendue l’année même de sa fabrication, contrairement à la région cognaçaise productrice d’une eau-de-vie vieillie en fûts ; d’où l’obligation d’une reconversion rapide pour la région de l’Aunis par le labourage et l’élevage,  alors que les vignerons de la Saintonge, surtout de la région située à l’est de Pons et de Jonzac qui se rattache à la « Champagne » de Cognac, ont pu écouler leur stock et replanter selon la technique du porte-greffe  lorsque celle-ci fut mise au point. En dehors de la zone dite « des fins bois », la superficie du vignoble s’est trouvée notablement réduite à l’avantage des prairies artificielles et des cultures fourragères. Dans toute cette région, et principalement en Aunis, où le vignoble arrivait en deuxième place après les céréales, l’industrie laitière s’est implantée, puis a acquis un développement considérable. Les nouvelles orientations économiques se sont fondées sur des avancées technologiques comme l’élaboration industrielle d’engrais chimiques, les facilités de communication dues au développement du chemin de fer, mais aussi sur un esprit d’entraide qui s’est traduit par la création de coopératives.

On peut voir dans le si petit nombre d’usines utilisant l’énergie hydraulique le trait d’une industrialisation tardive. Les trois-quarts des sites datent en effet, à part presque égale, du quatrième quart du 19e ou du premier quart du 20e siècle. Très peu d’usines sont antérieures au 19e siècle :  l’Arsenal de Rochefort, le moulin de la Baine à Chaniers, une raffinerie de sucre à La Rochelle, le moulin de Lucérat à Saintes et la tannerie de Fontbouillant à Montguyon. Parmi ces usines,  seuls l’Arsenal et la raffinerie de sucre sont réellement considérés comme industriels, les autres établissements ne sont pris en compte dans le repérage qu’en raison de leur développement ultérieur, à l’exception du moulin de la Baine, qui, rassemblant cinq moulins, reste un cas exceptionnel. Les installations de la première moitié du 19e siècle sont assez peu nombreuses et concernent deux moulins à marée, deux minoteries, une usine de chaux, deux briqueteries, deux distilleries et une station de pompage. Par ailleurs, 29 usines seulement ont été créées durant le 2e quart du 20e siècle.

L’industrie de la Charente-Maritime conserve les grandes caractéristiques du passé : sur les 217 sites, plus des deux tiers appartiennent à la filière agro-alimentaire. Les laiteries industrielles dominent, suivies par les distilleries et les minoteries, et quelques biscuiteries, conserveries et autres.

Localiser ce document

Chargement des enrichissements...